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ARGENTINE et CHILI


A la conquête de l'ACONCAGUA et du PACIFIQUE (février 2010)


Avant-propos: après avoir gravi le Toubkal (4167m), le point culminant du Maroc et de toute
l'Afrique du Nord avec mes fils Jérôme et François accompagnés de leur ami Mehdi et de son
cousin Rabi en août 1999 me vient l'idée de faire mieux et d'entrevoir l'ascension du Mont-Blanc
(4810m).
De la montagne je n'ai que peu d'expérience sinon d'avoir monté en haut du Puy de Sancy en 1995
et quelques séjours pour pratiquer le ski alpin dans les Alpes et Pyrénées sur des pistes bien
balisées. En outre j'ai sillonné La Réunion de long en large, île volcanique très montagneuse qui
culmine majestueusement au milieu de l'Océan Indien avec son Piton des Neiges à 3070m. A cette
époque je l'avais foulé sept fois, à ce jour j'en suis à une quinzaine d'ascensions.
En juillet 2001 je fais une première tentative d'escalader le Mont-Blanc donc avec mon frère
Daniel mais pour cause de mauvais temps nous ferons demi-tour au refuge du Goûter situé à
3800m. L'année suivante, seul, je remets les crampons et réussis l'exploit d'atteindre le sommet le
26 juillet, le jour de mes 47 ans. Je renouvelle l'exploit le 28 juillet 2004 avec Marie-Claude, une
amie québecquoise, Jacques, bien connu des coureurs à pied bretons pour avoir été aux commandes
de yanoo.net pendant dix années de dur labeur et Gilbert, un ami réunionnais.
Et maintenant? Le Mont-Blanc c'est bien mais pourquoi ne pas faire plus haut? Gilbert qui est un
accompagnateur et organisateur de randonnées à La Réunion envoie également des groupes qu'il
encadre au Kilimandjaro. Donc mon futur projet est tout trouvé.
Je conquiers le Kilimandjaro (5895m) en septembre 2006 accompagné de Marie-Claude. Nous
avons réussi cet exploit en trois jours et demi sans porteur avec vingt kilos sur le dos.
Forcément, je ne vais pas m'arrêter en si bon chemin, après ces 4000 et 5000 j'envisage un autre
objectif, +6000m. Mais quoi, à part l'Everest, l'Annapurna et autre K2 dans l'Himalaya je ne connais
pas trop ma géographie. Vite renseigné, j'apprends qu'il y en a un tas en Amérique du sud dont le
fameux Aconcagua (6962m) en Argentine. L'Aconcagua qui est le point culminant des Amériques
devient une idée fixe. J'en parle autour de moi et entre autres à mon ami Gilbert qui me dit être
intéressé mais n'est pas disponible pour le moment. Régulièrement je le relance et début 2009 se
décide. Après avoir pris des renseignements, la meilleure période se situant de novembre à mars
nous décidons de nous lancer dans l'aventure, ce sera pour début 2010.
Avant de réaliser ce projet, du 20 au 24 juillet 2009 avec le GIP de Grand-Brassac, un club
d'escalade et organisateur du trail du Grand-Brassac avec aux commandes Pascal Jugie, je randonne
dans les Pyrénées avec un groupe de trente-cinq personnes. J'escalade une douzaine de pics de plus
de 3000m. J'y rencontre François qui accompagne le groupe, il a échoué à quelques encablures du
sommet et me dit que ce n'est pas une mince affaire. Au refuge du Portillon je croise une autre
personne qui a réussi l'ascension, un certain Fabrice. Il me raconte les difficultés d'une telle
entreprise et me donne quelques tuyaux dont le portage des sacs jusqu'à 4300m par des mules et me
cite la compagnie Aymara qui organise des expéditions. Avec ces deux témoignages je commence à
réaliser les difficultés de cette aventure. La semaine suivante, accompagné de Jacques, Virginie,
Guillaume, François (un autre) et sa femme Chantal nous faisons le sommet du Mont Perdu
(3255m) et finissons en beauté avec le point culminant des Pyrénées, le Pic d'Aneto avec ses
3404m.
Courant septembre Virginie me présente à un ami, Romuald de Logonna-Daoulas (Finistère). Luimême
a tenté ce périple mais a buté à 400m du sommet. Il me raconte en détails son aventure: grand
froid, vent violent. Il me parle de températures extrêmes proches de -30° et de rafales de plus de
100km/h. Sous la tente il a constaté jusqu'à -18°. Là et las je prends vraiment la température et la
mesure de mon projet. Je me dis que ce n'est pas pour moi. Un froid polaire avec du vent en plus, je
commence à baliser mais je me tais. Je me suis déjà engagé avec Gilbert et je l'ai dit à trop de
personnes, je ne dois pas reculer maintenant. En mon for intérieur s'il m'appelait pour me dire qu'il
renonçait, je ne serais pas mécontent et j'aurais une bonne excuse auprès des gens informés mais
nous n'en sommes pas là. Romuald se propose de me prêter du matériel afin de ne pas trop rentrer
dans des frais. J'accepte évidemment.
Lors de mon passage à La Réunion en octobre et novembre avec Gilbert nous réservons nos
billets d'avion. Avec un départ le 1er février et un retour le 1er mars, nous nous donnons toutes les
chances de réussir au niveau délai. Après, l'altitude, la météo, les problèmes alimentaires et
digestifs, on verra bien. Nous trouvons un vol aller et retour à 900€ d'Orly à Mendoza mais avec
trois escales (Madrid, Buenos Aires et Cordoba) et trois avions différents. Il nous faudra 24h de vol
pour atteindre notre destination finale.
Gilbert me raconte qu'il connaît une amie qui travaille à La Réunion, Lisiane. Elle a fait le
sommet de l'Aconcagua. Elle y a rencontré son mari de nationalité argentine qui n'était autre que
son guide. Par pur hasard, je l'ai rencontrée à l'aéroport de St-Denis lorsque j'accompagnais Gilbert
qui allait chercher un client. Elle partait rejoindre son conjoint pour quelques semaines à Las Heras
dans la banlieue de Mendoza. Nous avons longuement discuté ensemble et Gilbert devait la revoir à
son retour pour avoir un peu plus d'informations et si possible rencontrer son mari en arrivant en
Argentine.
Par chance le mari de Lisiane est venu à La Réunion en Janvier 2010 et a rencontré Gilbert. Le
courant est bien passé entre eux et Daniel (c'est son prénom) lui a promis qu'il viendrait nous
chercher à l'aéroport à notre arrivée.
De mon côté, à mon retour en France je rejoignais le Finistère chez Romuald et sa charmante
femme Linda afin de récupérer le matériel promis. Il me prêtait presque tout ce dont j'avais besoin:
un sac de couchage à -40°, un matelas gonflable, deux grosses doudounes, un gros gilet polaire, une
veste avec capuche et un pantalon Gore-Tex, des bâtons, une cagoule, des guêtres, deux grands sacs
de transport de 80 et 100 litres, etc... Je ne les remercierai jamais assez de leur générosité et de leur
gentillesse. Pendant que Romuald préparait ce matériel et par la suite que nous discutions devant la
baie vitrée de leur belle demeure, Linda travaillait dehors sous un crachin breton avec des ouvriers
qui venaient démonter leur clôture et terrasser pour construire un mur. C'est la nouvelle génération,
les femmes au champ, les hommes à la maison! Après les dernières mises en garde et témoignage de
Romuald, le projet se concrétisait, je ne pouvais plus faire marche arrière.
Jour J, lundi 1er février
C'est le grand départ. Après avoir dit au revoir aux enfants et qu'ils m'aient dit d'être prudent,
Jacqueline m'accompagne au train de 09H05 à la gare de Rennes. A 11H10 je suis déjà à Paris. Je
suis en queue du TGV dans le wagon 20. Je ne vous dis pas la trotte pour rejoindre la navette qui va
à Orly. Avec mes deux sacs de 20 kg chacun, un sur le dos de 80 litres je hisse le deuxième de 100
litres sur la tête. Arrivé au bout du quai, à la vue d'une pharmacie je me fais aider pour poser mes
sacs. J'ai encore quelques achats à faire: sporténine et aspirine.
Je me fais aider de nouveau pour installer le gros sac et rejoins le car pour l'aéroport où j'arrive à
midi. Gilbert m'y rejoint vers 13H devant l'aire d'enregistrement. Il venait de Cherbourg où étudie
son fils Vincent. Ça faisait une semaine qu'il était parti de La Réunion. Nous enregistrons les
bagages et partons à 17H avec une demi-heure de retard pour Madrid avec Air Europa.
Nous y arrivons sans encombre après avoir survolé les sommets des Pyrénées enneigés.
Deux heures plus tard dans un nouvel avion, un Boeing 747 de la compagnie Aerolineas
Argentina, nous nous apprêtons à décoller. L'avion se lance en trombe mais freine brutalement au
bout de 500m. Panique à bord! La barrière de la langue nous empêche de connaître la raison exacte
de cet incident majeur à mes yeux. Il change de piste pour décoller à 90° par rapport au premier
départ et à la vue d'une fumée au loin je m'aperçois que nous sommes face au vent. J'en ai conclu
qu'il y avait eu une faute très grave de pilotage ou de la tour de contrôle.
Il fait déjà nuit, le dîner est servi à bord et je m'endors rapidement sur le dernier Ouest-France
avant longtemps.
Mardi 2 février
Après onze heures de vol dont une bonne partie sur l'Océan Atlantique et une nuit correcte nous
atterrissons à Buenos-Aires. A notre grande déception nous constatons que nos mobiles ne
fonctionnent pas ici, aussi bien Orange pour moi que SFR pour Gilbert. Pourtant le téléopérateur
m'avait assuré du contraire! Nous récupérons nos bagages. Heureusement que nous avons vérifié
s'ils ne les débarquaient pas parce qu'à Paris on nous avait dit qu'ils allaient directement à
Mendoza! A qui faire confiance? A soi, ce n'est déjà pas si mal!
Nous enregistrons de nouveau nos sacs et sortons de l'aéroport. J'en profite pour expédier deux
cartes postales, une pour l'anniversaire de ma soeur Odette (60 ans) et la deuxième pour la Sainte
Jacqueline.
Nous montons dans un Douglas cette fois-ci et après une escale à Cordoba nous arrivons enfin à
Mendoza à 12H30.
Après 24h de voyage, sans compter le train, le débarquement et la récupération des bagages se
font sans problème. Par contre pas de trace de Daniel, le guide argentin qui devait nous accueillir.
Gilbert l'appelle d'une cabine, il va venir, il termine son travail à 13H30. En attendant nous croisons
un Alaskaïen qui attend son avion, il revient de l'Aconcagua. Mauvaise nouvelle, il n'a pas réussi le
sommet à cause d'une météo exécrable, trop de neige, il s'enfonçait jusqu'à la taille. Ça nous casse
un peu mais je reste confiant, le temps ne peut que s'améliorer, je me dis!
Daniel arrive enfin dans une bagnole pourrie (une Nissan quelque chose) mais elle roule! Les
présentations d'usage faites nous grimpons dans sa voiture et il sort du stationnement en reculant.
Un autre véhicule conduit par une femme manoeuvre en même temps que lui et lui rentre dedans et
elle part comme ça! Ça n'inquiète pas notre Daniel, je me marre comme un fou, ça promet! Daniel
est un charmant Argentin de type amérindien, de ma taille et bien planté sur ses jambes. Il est
souriant, je le suis, le courant passe tout de suite. Il est militaire de métier, commando parachutiste,
la montagne est sa seconde activité les week-end et pendant les vacances. Il est guide et a déjà
quinze ascensions de l'Aconcagua à son compteur. On ne pouvait pas mieux tomber.
Il nous emmène chez ses parents où il vit avec aussi un frère et une soeur. Nous recevons un
accueil enthousiaste et chaleureux. Nous mangeons et comme c'est la coutume là-bas nous faisons
la sieste avant de partir pour Mendoza, ici nous sommes à Las Heras dans la banlieue près de
l'aéroport et de la caserne de Daniel.
La sieste permet de nous retaper du voyage et c'est en forme que nous partons vers le coeur de
Mendoza qui n'est qu'à deux pas d'ici afin d'y faire quelques repérages concernant les différentes
formalités (billet d'entrée du Parc Aconcagua et location de matériels manquants). Avant nous
n'avons pas manquer d'envoyer des mails à nos familles respectives pour annoncer notre arrivée à
bon port et le bon accueil que nous avons reçu.
Le soir venu nous allons avec Daniel au restaurant non sans avoir bu quelques bières locales en
guise d'apéritif. Il se trouve être un guide merveilleux, surtout qu'il maîtrise parfaitement le français
avec un accent bien sympathique et un humour branché au contraire de nous qui ne comprenons pas
un seul mot d'espagnol. Nous traînons jusqu'à 2h du matin, la fatigue se faisant bien sentir avec les
quatre heures de décalage horaire.
Mercredi 3 février
Ce matin nous allons en taxi en ville chercher notre ticket d'entrée au parc mais arrivé au
secrétariat du tourisme il fallait le passeport et Gilbert ne l'avait pas. Nous en profitons pour faire
des courses pour les quatre premiers jours dans un Carrefour (eh oui! ça ne s'invente pas) et rentrons
chez Daniel. Du coup on squatte chez ses parents avant notre départ pour la montagne.
L'après-midi après la sacro-sainte sieste, nous filons de nouveau vers Mendoza. Entre-temps
Gilbert m'a confié son passeport pour nous permettre de récupérer notre ticket d'entrée pour
l'ascension. Nous arrivons à l'office du tourisme et au moment de le prendre, je m'aperçois que j'ai
oublié de le mettre dans mon sac. Il est 17H40, trop tard pour aller le chercher, l'accueil ferme à
18H. Premier couac, je me fais engueuler comme un gosse à qui on ne peut pas faire confiance...
Toujours accompagné de Daniel nous allons loué le matériel manquant dans deux magasins de sport
connus de lui. Les grosses chaussures et gros gants dans un et nous trouvons le reste dans le
deuxième, tente, brûleur plus une dizaine de recharges. Gilbert y loue également pratiquement tout
ce qui convient à un long raid en haute montagne: gros duvet, pantalon et grosse veste, polaire et
crampons. Nous avons droit à une remise de 20% dans ce dernier magasin, des bons amis de Daniel.
Le soir après quelques bières Andes (marque locale) nous filons au restaurant et faisons la
connaissance de Liliane dite Lili, une amie argentine de Daniel rencontrée à l'alliance française où
ils ont appris le français ensemble. Nous rencontrons également Alexis, un autre ami. Il revient de
l'Aconcagua qu'il n'a pas atteint, trop de neige et de mauvais temps, du vent insupportable. Pas bon
pour le moral, tout ça mais nous restons confiants. Nous nous couchons une deuxième fois à 2H du
matin, les gens vivent beaucoup la nuit ici.
Jeudi 4 février
Nous nous levons vers 8H afin de terminer les sacs. En effet c'est aujourd'hui que nous partons
pour Puente del Inca, point de départ de l'ascension. Des amis de Daniel doivent nous prendre à
13H pour nous y emmener. Mais avant ça nous faisons les derniers achats. Le père de Daniel,
Freddy nous conduit en voiture (une VW 1500 encore plus pourrie que la Nissan du fiston mais elle
roule aussi) dans un magasin acheter deux casseroles et des cadenas pour nos sacs.
A 12H30 notre chauffeur arrive en jeep avec un copain. Le véhicule est trop petit, nous sommes
obligés d'accrocher le plus gros sac sur le toit. Nous faisons un crochet par le centre de Mendoza
récupérer enfin nos tickets (1200 pesos soit 240€ environ) et retirer de l'argent. Après vingt minutes
de route nous découvrons enfin ce que nous sommes venus quérir: L'Aconcagua! Il est là,
majestueux, il semble à notre portée mais ce n'est qu'une illusion pour le moment en tout cas.
Nous arrivons à Puente del Inca à 16H30 et remettons nos sacs à la compagnie Aymara qui
s'occupe de leur transfert sur des mules. Les amis de Daniel repartent aussitôt sans même accepter
une boisson que je leur propose. Nous nous donnons rendez-vous à Mendoza au retour. Nous avons
78 kg de bagages, il faut donc une mule et demie! La facture est importante: 1368 pesos, soit
environ 260€ pour la montée seulement. Nous sommes inquiets parce que nous devons garder de
l'argent pour la nourriture à Plaza de Mulas et le paiement des mules pour la descente. On verra
bien. Après discussion ils acceptent le paiement en euros, quel soulagement! Nous n'avions pu faire
de change lors de notre départ de Mendoza, les banques étant fermées le midi.
Nous rejoignons aussitôt un gîte où nous réservons une chambre pour la nuit. En attendant nous
recherchons internet dans la bourgade. Finalement c'est Marcello, un employé d'Aymara qui nous
autorise à utiliser son ordinateur. Nous transmettons rapidement un mail pour rassurer notre famille
et allons boire une bière dans un bar-épicerie Il se trouve que la patronne parle très bien le français.
Vingt ans auparavant, dans le cadre d'un échange entre station de ski, elle a travaillé pendant six
mois à Méribel sur les remontées. Ce qui nous permet de chater un peu. J'apprécie et privilégie
vraiment ces moments de pouvoir communiquer avec d'autres personnes en dehors de mon
compagnon. Une femme charmante et super-sympa. J'en profite pour acheter deux cartes postales,
j'ai encore deux anniversaires à souhaiter: ma fille Anabelle (19 ans déjà) le 16 février et ma jeune
soeur Monique le 19 (48 ans). Ce seront avec les deux autres cartes expédiées à Buenos-Aires les
seules que j'enverrai de mon périple sud-américain. Pourtant j'avais une longue liste de noms avec
adresses sur moi mais les circonstances ont fait que le temps est passé trop vite après.
La nuit venue, nous mangeons, lisons et profitons d'une dernière nuit dans un lit confortable.
Vendredi 5 février
Le petit déjeuner étant servi jusqu'à 9H nous nous levons à 08H30. Après une dernière douche,
nous attendons un employé d'Aymara qui doit nous prendre à 10H30 pour nous conduire au départ
du sentier à 6 km de là. Les mules sont déjà parties avec nos bagages. Après un contrôle où on
tamponne notre ticket d'entrée nous démarrons vers 11H avec un sac léger. Pour la première fois
j'utilise des bâtons que Romuald m'a prêtés. Ma foi! Ce n'est pas si mal, je m'y accoutume très
rapidement.
Deux heures et demie plus tard nous arrivons sans grande difficulté au terme de la première étape:
Confluencia. Partis de 2900m, nous culminons ici à 3400m, soit 500m de dénivelé positif, une mise
en jambes et une acclimatation en douceur. Les mules sont déjà reparties, nous retrouvons nos
affaires et montons la tente. Nous la consolidons avec de gros cailloux, il peut y avoir beaucoup de
vent d'après conseillers avertis. Nous nous reposons l'après-midi et passons notre première nuit dans
la Cordillère des Andes. Je décide de dormir avec un pantalon et pull polaires dans un drap de soie
lui-même dans mon sac de couchage de 600gr du Marathon des Sables. J'ai à peine senti le frais
bien que la température soit descendue à 7° sous la tente. Nous lisons jusqu'à 23H. Nous avons du
mal à nous endormir, les employés des différentes compagnies et du camp font la fête tardivement.
Au bout d'une heure je décide de mettre des bouchons dans les oreilles et m'endort rapidement.
Pour éviter de sortir la nuit, je le ferai également le jour, nous urinons dans une bouteille en
plastique de récupération (jus de fruits) à large goulot (sans prétention mais c'est plus commode!).
Cette première nuit en bivouac se passe bien.
Samedi 6 février
Réveil à 7H30. C'est l'anniversaire de ma soeur Odette, elle a 60 ans aujourd'hui, une grosse
pensée pour elle. Elle devait faire un grand festin aujourd'hui mais à cause de mon absence elle a
remis la fête au 6 mars. Une autre pensée pour ma belle-soeur Maryvonne (57 printemps ce jour
également), la soeur de Jacqueline et la femme d'un grand sportif Christian qui a deux Diagonales
des Fous et un UTMB à son actif, en ce moment en pleine préparation du prochain Marathon des
Sables.
Après une toilette sommaire, ce sera comme ça jusqu'à notre retour dans la vallée, nous partons à
9H pour Plaza Francia situé à 4200m que nous atteignons à 12H15. Je suis vexé, j'ai oublié mes
bâtons. Tant pis, je ferai sans, pourtant j'y ai trouvé leur utilité. J'ai constaté qu'on sollicite moins les
jambes.
Il fait un temps magnifique là-haut. Je suis en pleine forme, je n'ai aucun trouble dû à l'altitude.
Nous y restons une bonne heure. Le retour est vite assez pénible avec un fort vent de face qui s'est
levé à mi-descente. Nous avons le droit à de fortes bourrasques qui avoisinent les 100 km/h selon
mon estimation. Notre dénivelé positif du jour est de 800m. Je termine fatigué, la descente était de
trop. Aussi je me demande si nous n'aurions pas dû aller directement à Plaza de Mulas tellement
j'étais en forme à Plaza Francia.
La soirée passe vite entre le dîner, l'écriture et la lecture. C'est encore la fête ce soir, je remets les
bouchons. Je me couche toujours dans le petit sac de couchage mais cette nuit j'ai limite chaud, il
fait 11° sous la tente.
Dimanche 7 février
Réveil à 6H, nos sacs doivent être prêts à 7H pour les mules à destination de Plaza de Mulas.
Nous plions les gaules, non la tente et nous levons l'ancre, non plutôt le camp à 8H. Nous marchons
pendant cinq heures environ dans le lit de la rivière, ça me rappelle la Rivière des Remparts à La
Réunion. C'est une vaste vallée, caillouteuse et pénible à la longue, un fort vent de face désagréable
et frais nous ralentit. Le pourcentage est assez faible.
Pendant notre progression j'ai une pensée pour le trail de Grand-Brassac en Dordogne qui se
déroule ce week-end. Je pense entres autres à Christian, mon beau-frère, qui y participe avec une
vingtaine de coureurs de Poitiers, à Pascal Jugie et sa famille, l'équipe organisatrice, à Jacques et
quelques Bretons qui doivent courir aussi.
Avant la montée finale du nouveau bivouac, nous croisons quelques carcasses de mules. Nous
comprenons très vite pourquoi, le sentier est extrêmement périlleux et je pense que les mules
chargées ont dû se blesser au retour dans la descente et ont péri là ne pouvant plus se déplacer.
En tout nous mettons 6H30 pour cette nouvelle étape passant de 3400 à 4300m, soit 900m positif.
Depuis hier j'ai la diarrhée, je prends deux comprimés d'Immodium en fin d'après-midi, on verra
bien.
Nous retrouvons nos bagages près de l'emplacement Aymara. Plaza de Mulas est le camp de base
principal. C'est un véritable village fait de grosses tentes avec des restaurants, des dortoirs pour
ceux qui veulent, on y trouve également internet et la possibilité de téléphoner.
Au contraire des deux premières journées, le temps est resté couvert aujourd'hui. Après avoir
remonté la tente nous nous y engouffrons rapidement, il fait 0° dehors à 21H à la nuit tombante. Ce
soir je décide de dormir dans le sac de couchage de -40°, sage précaution. C'est encore la teuf ici,
musique à donf, je remets les bouchons.
Lundi 8 février
Lever 8H, 4° sous la tente cette nuit. J'ai eu trop chaud dans le duvet hier soir, j'ai été obligé de me
découvrir. Je ne me sentais pas bien, mon coeur battait la chamade (80 battements par minute) alors
que ma respiration restait normale, un peu angoissé quand-même. Ce matin, tout semble rentré dans
l'ordre: 60 pulsations à 4300m contre 40 au niveau de la mer. Après trois jours de randonnée, je
trouve que c'est assez normal.
Nous avons commencé à prendre de l'aspirine hier soir (500mg) plus en prévention qu'en réels
maux de tête. Nous continuerons à en prendre un à deux grammes par jour jusqu'à notre retour à ce
camp de base.
Une petite pensée pour Jacqueline et consoeurs, c'est leur fête, j'espère qu'elle va l'arroser.
Ce matin, pour chauffer l'eau, nous avons des difficultés à allumer le feu, le gaz doit être gelé.
Nous finissons par y parvenir. On se demande si plus haut le problème sera plus important, on se dit
qu'on les protègera dans les vêtements. Finalement tout se passera bien dans les camps supérieurs
sans protection parce qu'on n'y a pas pensé, c'était juste un incident de passage.
A 9H, le soleil encore derrière la crête, il fait 0°. Ce matin nous flânons un peu. Nous récupérons
le shit-bag au poste de contrôle. Qu'est-ce que le shit-bag? Un sac plastique dans lequel on mettra
nos selles quand on partira de ce camp, jusqu'au sommet et retour. Il sera rendu dès notre retour ici.
Nous en profitons pour rendre visite à Miguel, un ami de Daniel. C'est un personnage, pittoresque,
un véritable artiste. Il tient une galerie de peintures, la plus haute du monde, sous une grande tente.
En plus il loue des services comme internet et la téléphonie. Il peint de magnifiques toiles des
différents paysages du massif de l'Aconcagua ainsi que des portraits de femmes nues ou autres. Je
pense qu'il a du talent, en tout cas moi j'aime. Son nom est Miguel Doura. Devant sa tente il a
installé un immense tapis vert de faux gazon (25m2 environ). Il y a planté un faux palmier, installé
un hamac ainsi qu'un pouf et deux ou trois pliants. Un vrai poète, en plus il a un look, disons la
gueule de l'emploi. Gilbert est allé sur internet, s'étant présenté comme un ami lui-même de Daniel,
il n'a pas voulu d'argent. Il nous a en plus offert le maté (boisson locale genre thé bue dans un
récipient original avec une pipette) accompagné d'un gâteau excellent au chocolat. Trop sympa. A
notre retour du sommet, je pense qu'une bonne bière en sa compagnie sera des plus agréables. Eh!
Oui, on trouve de tout ici.
Vers midi nous partons avec notre pique-nique du côté d'un hôtel construit en dur pour les plus
tendres à un kilomètre d'ici et en direction du Cerro Bonete (5193m) que nous n'essayons pas
d'atteindre, on ne veut pas en faire de trop. Nous avons une autre vue du camp et en profitons pour
prendre des clichés. Dès notre retour à la tente nous commençons à préparer nos sacs pour un départ
le lendemain à 9H. A partir de maintenant il n'y aura plus de mules, aussi sommes-nous obligés de
faire un tri très strict de ce que nous devons emmener. Le reste, on le laisse à la compagnie Aymara.
Nous pensons revenir dans quatre jours si tout va bien. Donc à partir de demain midi nous ne nous
nourrirons plus qu'avec des produits lyophilisés et de la blédine. Je remets en charge la batterie de
mon appareil-photo près de la compagnie Aymara. Il faut qu'elle tienne au moins jusqu'au sommet
afin d'immortaliser l'instant magique où nous l'atteindrons. Toutes les grosses tentes des différentes
compagnies sont équipées de groupes électrogènes, voire de panneaux solaires.
Maintenant c'est l'heure d'aller à dodo, demain sera un autre jour, cap sur plus de 5000m. Il est
21H, il fait 5° dehors, la nuit tombe. Avant de m'endormir je vais finir « Daddy » de Loup Durand
(une histoire de chasse à l'homme, en l'occurrence un enfant, par les nazis pendant la seconde
guerre mondiale), il me reste 13 pages à lire sur 422. Ce gros livre à la couverture épaisse est lourd,
je n'ai pas envie de sa compagnie physique plus haut, pas de surcharge inutile. Je me contenterai
d'un livre de poche.
Mardi 9 février
Lever 7H. Nous voulons partir à 9H. Le temps de plier la tente, nous gardons une marge, nous
avons préparé l'essentiel la veille. Mais le temps passe très vite, nous partons dans un premier temps
à 10H45. Nous nous arrêtons au bout de 100m, la tente accrochée sur mon sac à dos me
déséquilibre trop. Nous mettons un temps fou à l'installer confortablement. Nous repartons
finalement à 11H45. Nous ne savons pas encore si nous bivouaquerons à Plaza Canada 700m plus
haut ou à Nido Cõndores 400m au-dessus encore. Nous verrons suivant notre forme. La pente est
raide au départ et dangereuse avec nos sacs de 25 kg chacun. Nous avons du lyophilisé pour quatre
jours, de la blédine, du pain d'épices, des produits énergétiques, etc... plus les piolets et crampons, la
tente, les duvets et matelas, les vêtements chauds (plus que moins), une lampe frontale, un livre,
etc... de l'eau évidemment dans deux thermos de un litre chacun, tout ça fait du poids et du volume.
Au bout d'une heure nous avons 350m positif d'effectuer, nous nous accordons une petite pause
d'un quart d'heure. Encore une heure et nous arrivons à Plaza Canada, soit 700m d'avalé, il est 14H,
pause-repas. Nous sommes un peu fatigués mais sans plus, nous sommes malgré tout à 5000m que
je passe pour la deuxième fois de ma vie après le Kilimandjaro en 2006. Quant à Gilbert, pour avoir
fait le Kili quinze fois, ce n'est que son seizième 5000, voire plus puisqu'il a gravi le Mont Kenya au
moins une fois et peut-être d'autres 5000 au Kenya.
Vu notre état et l'heure nous décidons de continuer. Il reste 400m positif mais toujours pentu.
Nous chaussons rapidement les crampons, les premiers névés sont déjà là sous nos pieds. Nous
pourrions prendre une route plus longue sur la droite pour éviter la neige mais nous optons
finalement pour le chemin le plus court, forcément plus raide. Après l'incident du matin où nous
avons perdu trois quarts d'heure à refaire mon sac, nous allons vivre le deuxième de la journée. Au
bout de cinq minutes de marche avec les crampons de Jacques que j'ai déjà eu du mal à fixer sur les
chaussures, j'en perds un et une petite pièce métallique qui permet de régler la longueur de ceux-ci.
La chance est de notre côté, Gilbert fait demi-tour et la retrouve dans la neige quelques mètres plus
bas. Je mets un temps fou à la réinstaller. Dix minutes plus tard c'est au tour de l'autre de faire des
siennes, quelle galère! Nous perdons quasiment une heure. La fatigue aidant, je commence à
craquer avec ces complications. Les derniers 150m ont été un enfer, nous étions l'un comme l'autre
à l'agonie. En m'arrêtant pourtant tous les dix, vingt mètres linéaires pour reprendre mon souffle je
distançais Gilbert. Je faisais des virages dans la neige et me fixais un objectif à dix ou vingt mètres
de moi, soit un rocher ou une trace en me disant que j'allais marcher jusqu'à cet endroit et ainsi de
suite.
En arrivant au camp de Nido de Cõndores, en attendant Gilbert, sur le premier emplacement
trouvé, je commence à monter la tente. Ne le voyant pas arrivé après presque une heure et la tente
installée je m'inquiète sérieusement. Nous allons vivre le troisième incident du jour. Je le retrouve
finalement chez le gardien. Lui-même s'était inquiété pour moi, ne me trouvant pas, le camp est
assez vaste. Une mise au point est nécessaire, je n'ai pas forcément été bon sur ce coup. Je m'excuse
et tout rentre dans l'ordre. Nous vidons nos sacs (les vrais cette fois-ci) et allons chercher de la neige
afin de la faire fondre pour la cuisine et notre boisson. A 22H nous rentrons dans nos duvets bien
chauds. Ça restera comme une journée d'enfer. C'est aussi mon premier bivouac à 5400m. Le
précédent record était à 4600 dans la montée du Kilimandjaro, avant ça c'était à hauteur du refuge
du Goûter à 3800m dans l'ascension du Mont-Blanc, mon premier bivouac élevé se situant à 2500m
près du refuge du Piton des Neiges à La Réunion.
Mercredi 10 février
Réveil à 9H, nous sommes encore à l'ombre de la montagne mais un quart d'heure plus tard le
soleil illumine le camp. Depuis notre départ, hormis le troisième jour, nous allons vivre notre
cinquième journée sous le soleil avec un ciel d'un bleu azur qui rendrait jaloux les Bretons! Une fois
debout, mon premier travail est de vider la bouteille en plastique que j'ai remplie dans la nuit et
moi-même également. Je profite d'être dehors pour cueillir de la neige un petit peu en hauteur par
rapport au campement, si on fait nos gros besoins dans un sac plastique, les montagnards urinent
n'importe où. Nous prenons le petit déjeuner accompagné de blédine suivi d'une toilette sommaire et
sieste jusqu'à midi.
Ce jour est consacré au repos avec une petite balade dans le secteur. Nous cogitons, si le temps le
permet on ferait bien le sommet demain en partant à 4H et en brûlant du coup l'étape du camp de
Berlin exposé au vent où il peut faire très froid, soit 1500m de dénivelé positif avec un sac allégé.
Affaire à suivre.
Ce midi nous mangeons des oeufs brouillés avec oignons et en dessert un gâteau à la vanille. Hier
soir c'étaient des pâtes bolognaises. Cet après-midi après une seconde sieste nous allons repérer le
départ pour demain et essayons de nouveau les crampons. Finalement ceux de Gilbert ne sont pas
assez grands par rapport à ses chaussures mais en serrant bien ils devraient faire l'affaire. Les miens,
en les serrant fort, semblent tenir le coup. La petite marche difficile dans la neige nous incite à
réviser la situation. Nous prenons la sage décision de s'arrêter au camp de Berlin demain, soit +500
au lieu de 1500m. Nous n'avons pas récupérer de l'effort d'hier.
À 19H nous préparons le repas du soir toujours en fondant de la neige. Nous nous régalons d'une
soupe suivie de nouveau d'un gâteau de riz.
Avant de se coucher je prends quelques photos du magnifique coucher de soleil et j'aperçois un
condor que j'immortalise bien sûr. Cet endroit ne s'appelle pas Nido de Cõndores pour rien. J'en
avais déjà aperçu un à Plaza de Mulas. À 5400m les oiseaux peuvent encore voler. Avant de
m'endormir j'attaque « Le Mystère des Dieux » de Bernard Weber. J'ai du mal à rentrer dedans. Je
vous rassure, je ne vais pas Le chercher là-haut. D'ailleurs, je n'en sais fichtre rien de ce que je vais
quérir. En gros je sais ce qui m'a amené ici mais le but réel, le sommet bien sûr, mais encore?!...
C'est comme quand on me demande pourquoi je cours et après qui pour les gens qui ont de l'humour
ou qui sont lourds, on peut en débattre longtemps ou faire une analyse mais je trouve plus simple de
dire que je ne sais faire que ça et j'aime. Bon! Assez de philosophie et dormons maintenant, il reste
du pain sur la planche, il est 22H.
Jeudi 11 février
Réveil à 7H47, je ne l'invente pas, quand je tombe sur cette heure précise je ne peux m'empêcher
de penser au Boeing 747 qui fait penser aux voyages. Ce matin 2° sous la tente et -5 dehors, la
température est relativement douce pour l'altitude. Le temps du petit déjeuner, de la toilette, de plier
la tente et de remplir nos sacs il est 11H. Qu'est-ce que nous sommes lents à nous préparer! Ce sera
toujours le cas, pourquoi? L'altitude? La fatigue? Je ne sais pas. Nous allégeons un peu les sacs en
laissant quelques sachets de lyophilisé et un paquet de blédine en les planquant dans des rochers,
nous les prendrons au retour. Ça nous permet de gagner deux kilos chacun. Nous avions prévu trop
de bouffe.
Nous partons crampons aux pieds et je rencontre rapidement les problèmes identiques à la veille,
je déchausse dès que je suis en dévers, j'ai beau les serrer au maximum. Au 2/3 de la pente je décide
de m'en débarrasser, la neige n'étant pas glacée ce n'est pas trop dangereux bien que la pente soit
toujours raide. Aujourd'hui nous ne faisons pourtant que 500m positifs mais je vis encore une
journée pénible avec mes vingt kilos sur le dos. Arrivés à un petit campement à 5800m, voyant des
gens en marche plus en amont, nous décidons de continuer pour arriver à un autre camp plus vaste
que nous prenons pour le camp de Berlin. Il s'avèrera être celui de Cõlera à 5970m, celui que nous
avons débordé était effectivement le camp de Berlin.
Nous montons rapidement la tente, c'est mon bivouac le plus élevé, et vers 16H je m'y engouffre
pour une sieste bien méritée, je suis rincé. Pendant la montée le peu que j'ai pu avaler, je l'ai rendu.
J'essaie de boire mais sans conviction. J'avais coincé à -50m du camp victime d'une grosse fringale,
pas étonnant.
Ce soir je me force à manger du pain d'épices et de la soupe. Gilbert, à part des maux de tête, tient
le coup bien qu'il avoue que c'est très dur. Nous avons de la chance avec la météo, pas un pet de
vent et pas un nuage à l'horizon. Voilà sept jours que nous randonnons dont six de temps idéal.
Malgré l'altitude et le soleil brûlant je n'ai toujours pas mis de protection solaire. Les mains et le nez
ont morflé un peu et rougi, quant à Gilbert, bien que se badigeonnant de crème anti-uv, ses nez et
front sont cramés. Pourtant il arrive de La Réunion et d'un séjour de quinze jours au Kilimandjaro.
Il semble avoir une peau aussi bronzante que la mienne, en plus il a les cheveux bruns, moi j'ai plus
un teint de blond quoique mes cheveux sont plutôt grisonnants voire blancs actuellement.
Il fait -2° dehors à 21H. Je me force à avaler un dernier repas à deux, du muesli au cacao et à
21H30 nous nous couchons. Je ne lis pas, je ne suis pas motivé, j'ai du mal avec ce bouquin.
Demain, grosse journée encore puisque nous tentons le sommet et retour, soit +1000m et -1000m.
Vendredi 12 février
Le grand jour, le jour J, the d-day, enfin normalement, nous l'espérons.
Réveil à 04H30, 1° à l'intérieur, - 6° dehors, un peu de vent, il fait encore nuit, le jour se lève vers
7H à cette époque de l'année. Une nuit agréable mais courte, je me réveille plusieurs fois. Le petit
déjeuner est en cours, ce sera thé et pain d'épices. Et encore je me force, l'appétit n'est pas revenu.
Nous ne décollons qu'à 06H30, munis de nos frontales. Je ne comprends pas, on ne démontait pas
la tente puisque on revient ce soir au même endroit. Il en faut du temps pour se préparer. C'est vrai
qu'avant que la neige ne fonde et que l'eau ne boue (2 litres) il faut une demi-heure à cette altitude,
comme on prend deux litres chacun plus un litre pour le petit déjeuner, faites le calcul. Ensuite,
suivant la météo, on ne sait pas trop quels vêtements enfiler, le temps passe très vite dans ces
situations précaires. La lueur du jour est déjà présente et très vite nous éteignons les lampes. Au
bout d'une heure de marche nous mettons les crampons, il y avait peu de neige à cet endroit. Une
galère de plus, comme Gilbert va moins vite, j'ai le temps de les réajuster, mais c'est empoisonnant.
La montée se passe mieux que prévue, c'est vrai le sac est moins lourd, environ dix kilos, on ne me
double pas aujourd'hui au contraire des cinquième et septième journées sauf quand j'attends Gilbert.
Mais ce n'est pas une compétition, l'essentiel est d'arriver au sommet. Ce n'est pas comme dans
l'ascension de l'Aneto où on comptait les gens qu'on doublait. Ici pas question, on n'a pas le droit à
l'erreur, tout le monde semble humble face à la difficulté et au danger de la très haute montagne.
Parvenu à 400m du sommet je dépose mon sac et attend Gilbert. Nous les laissons comme tous à cet
endroit pour terminer avec plus de confort. Je laisse mon appareil-photo, la batterie est naze.
Heureusement celui de Gilbert fonctionne encore. Nous partons pour les derniers 400m positifs. Le
final se passe bien que plus pentu, je double une cordée américaine pour la énième fois depuis ce
matin. J'aurai fait le yoyo avec eux toute la journée. À 50m du sommet je ralentis pour profiter
pleinement de ces instants. Je me retourne pour voir si Gilbert n'est pas trop loin, ne le voyant pas et
me trouvant dans un couloir venté je décide de continuer, je n'ai pas le choix que d'y parvenir seul.
Plus que quelques mètres et je serai sur le toit des Amériques, c'est magique, surréaliste. Je serai
dans quelques secondes plus haut que tous les Américains, Etats-Uniens, Obama compris! J'y suis,
nous sommes le 12 février 2010, il est 13H55, je suis au sommet de l'
Aconcagua
(32°39'11S, 70°00'43W)
Victoire! Je suis l'homme, les pieds sur terre, le plus haut du monde. Je culmine à près de 7000m,
6962 exactement Les seuls sommets supérieurs à l'Aconcagua ne se trouvent qu'en Asie dans
l'Himalaya et à cette époque de l'année, c'est l'hiver là-bas, je ne pense pas qu'il peut y avoir des
alpinistes en ce moment à cette hauteur-là. J'avais projeté cette expédition depuis trois et demi déjà.
Je ne suis pas seul, je peux partager cet exploit avec quatre ou cinq personnes déjà présentes.
Malheureusement sans rien comprendre de leurs propos, aucun Français pour le moment, mais nous
échangeons avec notre regard et cela suffit pour comprendre qu'ils sont heureux et je réussis à leur
traduire mon bonheur. Et derrière ça se bouscule, la cordée américaine d'une dizaine de personnes
pointe son nez et encore d'autres. Le guide américain, m'ayant vu à maintes reprises ennuyé avec
mes crampons, essaiera à son tour de les fixer correctement. On verra plus tard qu'il n'aura pas fait
mieux que moi, sympa de sa part, c'était bien d'avoir essayé! Nous nous retrouvons à une bonne
vingtaine voire plus au sommet ensemble. Par contre il y a un petit bémol, un manteau nuageux
recouvre le sommet, on ne profitera pas d'un panorama à 360°. C'est peut-être pour ça que le temps
est doux, il fait 6° et pour les spécialistes en météorologie 430 millibars et pas de vent au sommet.
Un jeune couple (la trentaine peut-être) avec lequel j'ai fait yoyo également pendant la montée
arrive à son tour. Elle n'hésite pas à enlever bonnet, veste et polaire pour ne garder que son soutiengorge
et se fait prendre en photo dans cet état. J'ai envie de faire la même chose mais me rétracte,
ayant peur de ne pouvoir me réchauffer ensuite.
Ça y est je l'ai fait. Pour moi c'est un exploit. Deux jeunes français, que nous avions croisés les
deuxième, troisième et quatrième jours, y parviennent à leur tour. Je peux me faire comprendre
maintenant. Ils me disent qu'ils ont doublé mon compagnon et il se trouverait en grande difficulté.
Je suis inquiet. Trente minutes que je suis déjà là lorsqu'enfin j'aperçois Gilbert 20m en contre-bas,
je décide d'aller le chercher et le motiver, pas de problème, il est cuit mais avance à son rythme. Il
est accompagné d'un couple de Français aperçu l'avant- veille à Nido de Cõndores. Ils étaient
quatre, le troisième est un peu plus loin et le quatrième a fait demi-tour. Je prends son appareilphoto
pour immortaliser son arrivée. Ça y est, il réussit l'exploit du jour et nous pouvons le partager
ensemble mais il n'est pas jubilatoire, il est marqué par l'effort, peut-être ne mesure-t-il pas la
hauteur de l'évènement, trop fatigué pour savourer à sa juste valeur ce moment inoubliable, à peine
croyable mais bien réel. C'est ainsi que nous nous retrouvons à six français ensemble sur le toit des
Amériques: les deux jeunes, un Strasbourgeois et un Montpelliérain, le couple, deux âmes résidant
au milieu d'un triangle (des Bermudes leur dis-je) formé par les villes de Pau, Tarbes et Lourdes,
Gilbert l'Ardèchois réunionnais et moi le Rennais réunionnais. Nous nous prenons mutuellement les
uns les autres en photo bien sûr, qu'est-ce que vous alliez penser?! C'est vrai, nous comparerons
parfois certains évènements à des orgasmes, je ne dirais pas que réussir ce projet en soit un mais nos
amis psychologues y trouveraient surement à redire quoique l'évangile selon Freud soit contesté en
ce moment!... J'arrête ces bavardages, c'est l'altitude qui me fait délirer.
Avec tous ces gens je parle d'exploit, personne ne me suit. Les gens sont trop humbles, je trouve,
il est bon de se lâcher, non, même si on n'est pas les premiers. Alors sinon c'est quoi un exploit?
Nous redescendons vers 14H50, j'aurai passé presque une heure au sommet. La descente est
dangereuse à cause de la neige, comme il n'y a pas de soleil, nous ne voyons pas le relief. Nous
récupérons nos sacs et sympathisons un peu plus avec le couple qui attend leur troisième acolyte
que nous venons de croiser dans la montée pour lui.
Gilbert et moi partons avant son retour. Dans la descente, Gilbert a enlevé ses crampons, ils ne
tiennent pas du tout, il est déjà tombé une fois et s'est fait mal à un poignet. Mal lui en a pris, lors
d'un passage en dévers dangereux avec de la neige gelée sur quelques centaines de mètres, il dévisse
et se rattrape, malgré la fatigue, par un réflexe de survie avec son piolet. Je viens à son secours et
réussis à le retenir mais là dans un état de fatigue proche du sien je ne peux que le maintenir. Dans
ma tête, cherchant une solution, je propose qu'on dévisse progressivement avec nos piolets juqu'aux
rochers quelques centaines de mètres en contre-bas. Mais miracle! Après l'exploit du jour, notre
couple arrive et nous sauve tous les deux. Ces gens n'habitent pas près de Lourdes pour rien! Merci
encore à eux, en outre Bénédicte, n'ayant pas eu vent du prénom de l'homme qui l'accompagnait.
Nous rentrons tous ensemble au bivouac mais la fin paraît interminable. Nous y parvenons à 19H.
Ça fait douze heures trente que nous sommes partis. La dernière heure a été pénible, nous sommes
vidés. On s'allonge sans manger ni boire. À peine installés sous la tente, un vent de Diable qui nous
a épargnés jusqu'à présent se lève et va souffler ainsi jusqu'au lendemain midi. Malgré l'extrême
fatigue je dors mal à cause du bruit des rafales et regrette de ne pas avoir monté mes boules
« Quiès » restées à Plaza de Mulas que nous comptons rejoindre dès demain. Nous passons notre
deuxième nuit à 5970m. Elle sera des plus agitées avec l'angoisse de voir notre tente, bien qu'elle
soit bien arrimée, emportée à chaque instant par le vent.
Samedi 13 février
Réveil dans la matinée, il fait beau mais le vent sévit toujours. La tente a tenu le coup malgré les
bourrasques à plus de 100 km/h. Je fais fondre de la neige et bois du thé avec du miel environ un
litre dans la matinée mais ne mange rien, pas envie, je me force déjà à boire. Gilbert traînasse dans
son duvet, j'ai du mal à le sortir de sa torpeur. Il veut rester ici et ne partir que demain. Nous
sommes à 5970 m, je lui conseille de descendre de 500 m jusqu'à Nido de Cõndores, on ne pourra
qu'être mieux. J'arrive à le convaincre en lui disant qu'il y aura moins de vent, deux ou trois degrés
de plus et 500 m de moins, ce qui n'est pas négligeable. Nous plions la tente dans de bonnes
conditions, le vent a diminué considérablement, la chance est toujours de notre côté. Nous partons
vers 15H. Gilbert descend sans crampons, la descente se déroule bien au début mais je perds
rapidement un crampon au contraire d'hier ou le retour du sommet au bivouac s'était bien passé en
ce qui concerne ces maudits crampons. Je ne veux plus le remettre, Gilbert l'accroche sur mon sac.
Je perds le deuxième deux à trois cent mètres plus loin soit -50 m. Je lui demande de nouveau de le
fixer à mon sac mais il se rend compte que l'autre a disparu. Je suis obligé de revenir en arrière pour
m'apercevoir qu'il est tombé là où il s'était décroché de ma chaussure. Dur! Je me serais bien passé
de remonter, la fatigue aidant, la descente est aussi pénible avec ce sac de vingt kilos que l'ascension
les jours précédents, mais je ne me plains pas. Quelques lacets plus bas je rattrape mon compagnon
qui se repose sur un rocher. Je dépose mon sac sur le sien. Au moment de le reprendre le sien tombe
et roule sur cinq à six mètres. Je me prends une réflexion, pourtant je ne lui ai rien dit concernant le
crampon qu'il avait forcément mal accroché à mon sac. Nous repartons et c'est sans doute suite à la
chute de son sac que son duvet qui y était accroché se détache et dévale la pente sur une centaine de
mètres. Il jette son sac de rage par terre et s'apprête à descendre le ravin directement pour aller le
chercher. Nous sommes en vue du camp qui est au niveau de son sac de couchage. Je lui propose de
descendre par le sentier jusqu'au niveau de celui-ci et de revenir le récupérer sur la même ligne
d'altitude, ce qui évitera de se refaire une grimpette. Il accepte malgré son énervement. Finalement
me trouvant devant lui je dépose mon sac bien que je sache que je vais en baver pour me le remettre
sur le dos tout à l'heure, vais le chercher et le lui donne sans rien dire. Quelle mouche lui a piqué?
Me dis-je. Je ne le connaissais pas comme ça... Moi qui lui ai sauvé la vie vingt-quatre heures plus
tôt!
Enfin arrivés à Nido de Cõndores, éprouvants ces 500 m négatifs. J'ai du mal à monter la tente,
j'ai des renvois. Lorsqu'enfin je peux m'y abriter, j'essaie de boire un peu mais rends tout dans mon
gobelet. Je tente alors de manger un poisson à la provençale mais la première cuillerée ne passant
même pas je jette le paquet à la poubelle, on verra demain matin. Je me couche vers 21H sans lire.
Depuis notre départ de Plaza de Mulas il y a cinq jours je n'ai dû lire qu'une dizaine de pages du
« Royaume des Dieux ». D'ailleurs je ne l'ai pas rencontré là-haut, plutôt le Diable... Sans
commentaire!
Dimanche 14 février
Réveil dans les 10H, il fait beau, pas de vent, je fais fondre de la neige et bois un peu, toujours du
thé au miel. Ça passe à peu près, j'en bois environ un litre dans la matinée mais ne mange toujours
rien. Déjà quarante-huit heures que je n'ai pas avalé de solide. Mon dernier repas, quelques pains
d'épices, a été pris à 4H30 du matin juste avant l'ascension finale de l'Aconcagua deux jours plus
tôt. Une barre de céréales et deux gels énergétiques sont les seuls trucs que j'ai pris ce jour-là.
Je secoue encore Gilbert afin de sortir de ce trou. Avec le soleil c'est une étuve sous la tente, le
thermomètre monte à 30°. Nous plions bagages vers 15H toujours avec 20 à 25 kg su le dos, nous
avons récupéré la bouffe laissée ici il y a trois jours. Normalement 1100m de descente aujourd'hui si
tout va bien. Nous marchons pendant une heure quinze non-stop, ça tient. Je réussis à absorber un
gobelet d'eau et un gel. Je reprends mon sac non sans peine, je crois que le plus dur aura été de
remettre mon sac sur le dos. À chaque fois qu'il fallait le faire je regardais celui-ci pendant quelques
instants en me demandant si j'allais y parvenir. J'avais besoin de concentrer toute mon énergie
physique et mentale sur cette action que j'ai renouvelée maintes fois.
Nous sommes à mi-pente et repartons de plus belle. Nous arrivons enfin à 17H à Plaza de Mulas.
Ouf! À partir de maintenant ce sont les mules qui porteront nos bagages, quelle délivrance! Que
nous réserve demain? Nous récupérons nos affaires restées ici et déposons le tout où nous allons
monté la tente mais la première chose que nous faisons est d'aller boire un coca, je rêve de boisson
pétillante depuis plusieurs jours, et d'essayer de manger quelque chose. Je réussis à avaler une
espèce de panini chaud constitué de viande, oeufs, salade, tomates et oignons, ça passe bien. Nous
rebuvons un deuxième coca par-dessus pour le faire digérer. Le tout tient dans l'estomac, c'est
toujours ça de gagner, ça faisait soixante heures que je n'avais rien pris de solide et bu que trois
litres de liquide. Dans la foulée nous rendons nos shit-bags au contrôle et réservons près d'Aymara
une mule pour demain qui emmènera nos sacs jusqu'à la porte d'entrée, de sortie pour nous du Parc
Aconcagua. Nous avons décidé de zapper le camp intermédiaire de Confluencia, soit plus de trente
kilomètres et 1400m négatifs. Mais pour le moment c'est l'heure de se coucher, il est 21H30, il fait
14° à l'intérieur de notre niche.
Avant de m'endormir j'ai une petite pensée pour les amoureux et souhaite une bonne fête à Gilbert.
Comme c'est un homme bien élevé il me rend la pareille.
Lundi 15 février
Lever à 7H, 13° à l'intérieur, - 9 dehors, j'ai eu chaud cette nuit comme la première nuit passée ici
une semaine plus tôt à l'aller. C'est assez contrastant parce que c'est la nuit la plus fraîche relevée
sur l'ensemble du périple. Pourtant il faisait autour de zéro degré sous la tente plus haut, peut-être
avons-nous zappé quelque chose?!
Aujourd'hui longue journée encore, nous rentrons à Puente del Inca non stop, lieu du départ de
notre aventure aconcaguienne, soit plus de trente kilomètres et – 1400m. Après avoir pris un petit
déjeuner chez un commerçant en se caillant et enregistré nos bagages chez Aymara pour les mules
nous jetons un dernier regard sur l'Aconcagua avant de lui tourner le dos et partir avec un sac léger
pour une dernière ligne droite, il est 10H. Je raconte à Gilbert que Romuald et ses acolytes ont
parcouru cette dernière étape en courant. Je pense que je pourrais les imiter sans conséquence
majeure mais ayant pas mal puiser dans mes réserves je trouve plus sage de marcher, d'un bon pas
certes.
Le soleil est radieux mais avec le vent nous avalons beaucoup de poussière. Je m'arrête près des
carcasses de mules rencontrées à la montée et essaye de récupérer un fer à leurs pieds pour ramener
un souvenir. Bien que m'aidant de cailloux pour essayer d'en décrocher un, je n'y parviens pas, ils
sont encore bien fixés sur les sabots. Finalement j'y renonce non sans avoir essayé sur tous les
squelettes rencontrés, ma ténacité ne sera pas payée en retour. L'essentiel est d'avoir atteint le but
pour lequel j'étais venu ici et non dépouiller les cadavres!
À 16H30 nous arrivons en vue du poste de garde de l'entrée du parc. L'endroit est beau avec des
lagunes, nous rencontrons beaucoup de touristes et autres promeneurs dont un couple de
Québecquois en compagnie d'un couple de Français. nous pointons à notre sortie. La boucle est
bouclée, quelle aventure!
Nous récupérons nos bagages et nous nous rendons à l'hôtel El Nico, le même qu'à notre arrivée
dans ces lieux onze jours plus tôt. La première chose que nous y faisons est de prendre une bonne
douche (la dernière datait du 4 février) suivie d'une petite sieste. Propres et reposés nous allons à la
recherche d'un restaurant afin d'y consommer un vrai repas. Pas trop le choix ici nous entrons dans
le Comedor Roque qui ne paie pas de

mine. Aucun client à l'intérieur mais trois personnes, qui se
trouvent être les patrons, assises devant la télévision diffusant un match de football de la ligue 1
argentine. Nous ne serons pas déçus. Un italien arrive et se joint à nous, il arrive de là-haut aussi, il
est cool. Après une première bière nous nous jetons sur les panadas (excellents) suivis d'un steackfrites
accompagné d'un oeuf au plat tout aussi excellent. Pour finir nous mangeons une salade verte
avec des tomates et des oignons. La bière coule à flots. Nous terminons le repas avec un bon café.
Quel festin! Nous nous sommes régalés.
Nous nous couchons à 23H dans un vrai lit. Ce n'est pas ce qui me manquait le plus, le matelas et
le duvet de Romuald étaient très confortables. Si ce n'était la fatigue physique, j'étais bien là-haut,
moi, pas de voiture, ni télévision, ni radio...
Mardi 16 février
Réveil à 8H, une grosse pensée pour Anabelle qui a 19 ans aujourd'hui. Je m'étais dit que ça aurait
été sympa de faire le sommet le jour de son anniversaire. Je pense que c'était prendre trop de risques
que d'attendre cette date, la fenêtre météo était bonne comme on y était, il fallait la saisir et ne pas
tergiverser. Le jour de ses 17 ans j'ai déjà gagné en V2 l'Ecotrail de Paris avec arrivée au premier
étage de la Tour Eiffel. De plus nous prenions le départ à Trappes, ville où elle était née en 1991.
Bon anniversaire Anabelle.
Nous prenons un petit déjeuner copieux, entourés de deux hommes de l'Europe de l'est et cinq
jeunes Argentins. L'aubergiste est très souriante et mignonne malgré ses 80 kg à un quintal!
En attendant le car de 11H45 pour Mendoza nous en profitons pour faire quelques emplettes,
souvenirs et cadeaux. Transportés par un super car de deux étages et climatisé, nous arrivons à la
gare routière de Mendoza à 16H. C'est un immense hall tout en longueur paré de multiples
boutiques où je ne manque pas, d'un centre d'appels d'une dizaine de cabines, de téléphoner à
Anabelle. Je l'ai sans difficulté pendant deux minutes et surprise je ne paie que 3,63 pesos affichés
alors que je pensais que c'était des euros! C'est vraiment pas cher, j'aurais pu rester plus longtemps.
Je suis rassuré, tout le monde va bien en France, deux semaines sans nouvelle, il peut s'en passer
des choses.
Nous prenons un taxi pour Las Heras et retrouvons Daniel et sa famille avec joie. Ils nous
félicitent du succès de notre entreprise et nous fêtons l'évènement en ville jusqu'à 2H du matin.
Mercredi 17 février
Lever vers midi, nous sommes cuits, il fait 35°. L'après-midi, pour ne pas dire le soir après la
sieste obligatoire, nous allons rendre le matériel de location et faisons la tournée des bars et autre
restaurant. Ensuite Daniel nous entraîne dans une discothèque (le Wish) où l'on nous refuse l'accès.
Une bonne dizaine de gros bras y assure la sécurité à l'extérieur. Ils ne laissent rentrer que des
jeunes. Daniel nous avoue un peu plus tard qu'il était déjà venu ici avec des clients qui avaient foutu
le bordel, reconnu, ce qui explique leur attitude.
Aucunement découragés nous nous dirigeons vers une deuxième boîte et y rentrons sans
problème. Le service d'ordre est moins important, la salle est bondée uniquement composée de
jeunes, nous dépareillons un peu mais sans complexe nous dansons jusqu'à 5H du matin.
Jeudi 18 février
Lever tardif encore, plus de midi. Après le déjeuner je fais mon premier footing à 16H. Trois
quarts d'heure, soit 9 km, dur dans la chaleur étouffante et sous un soleil éclatant et écrasant: 34° à
l'ombre. Mon dernier entraînement datait du 31 janvier, la veille de mon départ de France.
Après une bonne sieste nous partons en direction du Cerro San Martin. C'est une petite montagne
qui culmine à 1000m parée à son sommet d'un immense monument symbolisant la victoire pour
l'indépendance du Général San Martin et de son armée: magnifique!
Le soir nous sommes invités chez une tante de Daniel, Claudia, avec sa soeur, ses trois frères, ses
parents et toute la famille, elle fête ses 73 ans. Nous passons une bonne soirée et après avoir bien bu
et mangé de bonnes choses nous nous couchons vers 1H30.
Vendredi 19 février
Lever 10H, il fait moins chaud, le ciel est couvert mais guère menaçant, il ne pleut jamais dans
cette partie de l'Argentine. La région de Mendoza est très aride. Tout ce qui pousse, y compris la
vigne, n'est possible que grâce à l'irrigation. L'eau est captée des différents cours d'eau provenant de
la fonte des glaciers de l'Aconcagua.
Encore une journée commémorative, la cinquième du mois il me semble, après les 60 ans d'Odette
le 6, la fête de Jacqueline le 8, celle des amoureux le 14 et les 19 ans d'Anabelle le 16 c'est
l'anniversaire de Monique, ma plus jeune soeur, elle a 48 ans aujourd'hui. Bon anniversaire!
Monique. A l'avenir, à cela il faudra ajouter un sixième événement, le 12 février, le jour on a foulé
le sommet de l'Aconcagua!
Vincenta, la maman de Daniel, nous permet de faire deux lessives, il était temps, je n'avais plus
rien de propre. Pendant que le lave-linge tourne nous faisons un tour tout près dans la bourgade de
Las Heras où il y a de nombreux commerces. J'en profite pour téléphoner à Monique, tout le monde
va bien, étant donné le décalage horaire elle s'apprête à faire la fête.
En soirée, après un repas frugal en ville, nous rencontrons Lili avec son frère, ils sont jeunes, âgés
respectivement de 29 et 24 ans. À notre contact elle perfectionne son français déjà bien riche. Elle
nous apprend qu'elle est rentrée en politique sur une liste pour les élections de la ville en mars.
Comme quoi le métier d'avocat mène tout droit à la vie de politicien. Elle y croit et est très motivée.
Nous retournons en boîte, Le Calori, nous n'y trouvons encore que des jeunes. La musique est
plus variée qu'avant-hier. Nous faisons la fermeture et rentrons à 5H.
Samedi 20 février
Réveil tardif vers 11H. Nous devions faire une journée moto et quad avec Daniel et son frère
Samuel qui tient un commerce de vente et location de ces engins, mais elle est annulée pour cause
d'indisponibilité de ce denier, dommage.
Nous décidons de faire un entraînement en montagne. Le ciel est couvert, la température de l'air
est de 26°, conditions idéales pour courir. Ce sera une sortie courte avec 500m positifs sur une piste
bien pentue et rocailleuse, trente-huit minutes plus tard j'arrive le premier en haut. Gilbert a marché
assez tôt tandis que Daniel n'a craqué qu'au deux tiers de la montée, il m'a impressionné. Nous
redescendons en trottinant, Daniel accélère dans les deux derniers kilomètres plus plats, je
m'accroche aisément mais finit par coincer à cinq cents mètres de la voiture malgré ses trois kilos en
trop pris depuis notre arrivée. Il m'épate un peu plus, les militaires argentins ont la santé, il a quinze
ans de moins mais quand-même, bravo! Il me félicite aussi pour la montée.
Le soir nous ressortons en ville pour ne pas changer pour finir de nouveau en discothèque, Le
Bysancio cette fois-ci. Une boîte chic où la moyenne d'âge nous correspond mieux, quarante ans et
plus. Malgré notre dégaine, baskets et jeans, avec l'aide d'un copain de Daniel, Willy, nous sommes
autorisés à rentrer. Ce n'est pas tous les jours qu'ils voient des Français qui viennent d'escalader
l'Aconcagua. La nuit sera sympa, en plus de Willy nous rencontrons Pablo, le chef d'armée de
Daniel. Malgré la barrière de la langue nous passerons un moment torride avec quelques Argentines
dont Roxane qui nous promet de nous revoir le samedi suivant. Nous traînons un peu plus puisqu'on
se couche à 6H.
Dimanche 21 février
Lever midi pour la troisième fois je crois. Ça devient de plus en plus dur, je suis sur les rotules,
impossible de récupérer depuis notre départ de France avec cette vie intense. Nous allons faire des
courses au Walmart (grand hypermarché) pour filer chez la mère de Pablo. Ce dernier nous y a
invité pour un barbecue. Il est retourné chez elle depuis qu'il a divorcé. Elle habite dans une jolie
maison avec un grand jardin en pente bien agrémenté et d'une verdure exceptionnelle, arrosage
oblige, on y croise de belles essences, entre autres un olivier, un figuier, un tilleul. Au fond,
surprise,le long du grillage, je découvre des ronces avec des mûres. Pablo, fier de celles-ci, me fait
goûter en appelant ça des framboises, je n'ose lui dire que c'en n'est pas et qu'elles poussent à l'état
sauvage chez nous. La propriété se situe un petit peu à l'écart de Mendoza au bord d'une ravine qui
devient torrent par temps de fortes pluies dans les montagnes. C'est la campagne ici, quelques
résidences seulement.
Nous nous goinfrons de morceaux grillés de viande de boeuf accompagnés de vins de Mendoza
très bons pour finir avec un bouteille de champagne. Bien repus nous ne pouvons résister à une
sieste sur les chaises longues dans le jardin à l'abri du tilleul.
Cette journée confirme encore que le bon accueil chez les Argentins n'est pas usurpé.
Avant de rentrer nous allons chercher nos billets de car à la gare routière à destination de
Valparaiso. En effet nous avons décidé de faire une incursion au pays voisin, le Chili. Le départ est
prévu pour demain matin.
Mais la journée n'est pas finie, le soir nous avons le droit de nouveau à un barbecue chez Daniel et
ses parents. Toute la famille est invitée, nous retrouvons toutes les personnes rencontrées trois jours
plus tôt chez la tante Claudia. Le feu est allumé vers 22H. Pour nous faire patienter Daniel nous
montre la vidéo de son mariage avec Lisiane. Ils ont eu droit à une cérémonie somptueuse et
pompeuse. Trois-cent-cinquante convives y assistent. Daniel se mariant en tenue blanche de soldat
avec épée, les mariés, radieux, ont le droit à une haie d'honneur de ses collègues en uniforme après
l'union civile, sans oublier la pluie de riz comme chez nous. Le repas est servi et est suivi du bal
traditionnel. C'est sur une valse d'Yves Montand que Daniel et Lisiane se lancent sur la piste de
danse bientôt suivis des invités. Parmi ceux-ci, outre la famille, nous reconnaissons Miguel,
l'artiste-peintre de Plaza de Mulas, ses amis qui tiennent les magasins de sport de Mendoza. En plus
des collègues militaires il y a de nombreux guides et autres montagnards. Magnifique mariage, beau
couple.
Nous passons à table vers 23H et une nouvelle fois orgie de boeuf grillé.
Nous nous couchons à 1H30. Les gens vivent vraiment la nuit ici.
Lundi 22 février
Réveil 7H. Les parents de Daniel sont déjà levés bien que couchés tard comme nous. Nous
prenons le petit déjeuner et à 8H30 un taxi nous emmène à la gare routière de Mendoza. À 9H30
nous prenons place dans un grand car climatisé à deux niveaux et partons vers de nouvelles
aventures, chiliennes cette fois-ci, Valparaiso dans un premier temps et l'Océan Pacifique à six
heures de route. Nous remontons en direction des Andes via Puente del Inca (souvenirs!) jusqu'à
plus de 3200m pour passer la frontière sous un tunnel de quatre kilomètres. Il est 13H, nous
rentrons au Chili et sommes bloqués pour le moment juste après le tunnel afin de satisfaire aux
formalités douanières et policières. Nous sommes à plus de 3000m mais il ne fait pas froid,
heureusement parce que nous mettrons trois heures pour passer le poste. Nous repartons enfin à 16H
et après une descente vertigineuse avec des virages très serrés nous longeons une rivière qui se
resserre à un moment en un étroit canyon de toute beauté. Un film dramatique américain avec
Robin Williams est diffusé mais en anglais sous-titré en espagnol. Nous trompons notre ennui en le
regardant et arrivons à en comprendre le sens. Je ne me souviens plus du titre, c'est l'histoire d'un
adolescent mal-aimé et incompris de ses camarades que son père découvre inanimé une première
fois suite au jeu masturbatoire du foulard. Dans un second temps il le découvre mort et fait croire à
un suicide... Pour la suite voir le film, très émouvant.
Nous sommes en vue de Viña del Mar (le St-Tropez du Chili) vers 19H et apercevons la mer. Je
ne peux m'empêcher de crier: « Mer! Mer! » comme la vigie de Christophe Colomb en 1492 avait
crié: « Terra! Terra! » en croyant apercevoir les Indes. Moi, je sais que c'est le Pacifique mais c'est
c'est la première fois que je le vois, le plus grand océan du monde! Nous le longeons pendant cinq à
six kilomètres et arrivons enfin à la gare routière de Valparaiso. En descendant du car on s'aperçoit
vite que ce n'est pas la même température qu'à Mendoza, il fait plus frisquet, les villes sont pourtant
situées à peu-près à la même latitude mais le vent venant des eaux froides du Pacifique refroidit l'air
ici. Moi qui n'ai emmené qu'un gilet sans manche en plus d'une chemisette et d'un polo, je risque de
me les cailler ici les soirs, nuits et matins.
Nous trouvons un hôtel rapidement, l'hôtel Valparaiso tout simplement, pourquoi faire compliqué?
Après avoir consommé quelques bières dans un bar populaire nous dînons dans un restaurant assez
chic. C'est le festival du vin en ce moment au Chili, il passe à la télé en direct de Santiago un
humoriste apparemment très connu et apprécié ici, Coco Legrand. Des clients s'arrêtent de manger
et s'approchent de la télé pour ne rien louper, les serveurs ne sont pas en reste. En sortant du
restaurant nous achetons une glace dans la rue où les employés sont scotchés devant leur poste
également à regarder quoi à votre avis: Coco Legrand évidemment! En arrivant à l'hôtel les gérants
ont également les yeux rivés sur notre Coco Legrand national!
Extinction des feux à 23H30, on va pouvoir passer une nuit normale, depuis notre retour de
l'Aconcagua, mardi dernier, nous ne nous étions jamais couchés avant minuit, on va enfin pouvoir
récupérer. Depuis notre départ de France le 1er mars que je ne me suis pas reposé normalement.
Mardi 23 février
Réveil à 8H30 au courage, nous avions programmé une heure de footing. Nous partons à 9H le
long du port et nous montons les collines jusqu'à +200m à la découverte des superbes maisons tout
en couleur, nous profitons également d'une vue magnifique sur la baie de Valparaiso. De retour à
10H, nous prenons un petit déjeuner bien mérité après une bonne douche.
Nous passons une bonne heure sur internet (400 pesos soit0,55€). Nous rencontrons deux jeunes
français en ballade pour six mois dans la contrée, c'est toujours sympa de rencontrer des gens avec
qui on peut échanger pleinement.
Nous prenons le bus pour Viña del Mar et à 14H je plonge pour la première fois de ma vie dans
l'Océan Pacifique: génial! Mais l'eau est glaciale (15°). Pour moi ce n'est pas un problème, c'est
mon deuxième bain de l'année, le premier avait été pris le 1er janvier à Ile Tudy (Sud-Finistère,
Bretagne) dans son jumeau l'Atlantique. C'était à l'occasion du réveillon passé avec quelques amis
chez Jacques à Sainte- Marine. L'eau était à 8°, la rentrée dans l'eau n'avait pas été très dure du fait
de la température plus basse de l'air: 6°.
Je suis le seul à me baigner, Gilbert habitué à une eau entre 25 et 28° toute l'année à La Réunion
ne s'y risque pas. Merde! C'est l'Océan Pacifique quand-même! Je m'amuse et barbote comme un
gosse au milieu de ces derniers, il n'y a pas d'autres adultes à nager. J'essaie de leur faire
comprendre que c'est la première fois que je me baigne dans cet océan, je crois être compris. Je ne
fait pas la fine bouche mais j'aurai préféré me baigner dans un cadre plus idyllique, les plages
donnant sur la ville, tout est béton autour.
Après une bronzette et une sieste nous longeons toutes les plages à pied et revenons prendre le bus
pour Valparaiso sans avoir manqué de prendre une bonne Escudo (cerveza) dans un bar: Le Café
Journal où le serveur parle un peu français, encore un bon moment d'échange. Ici comme en
Argentine beaucoup de bières locales: Escudo, Royal, Cristal,etc..., en Argentine: Andes,
Schneider,etc...
Après un bon restaurant nous nous couchons de nouveau à 23H30.
Mercredi 24 février
Lever à 8H30 pour moi seul toujours à l'arrache, je veux absolument courir avant le petit déjeuner.
Je pars à 9H dans les rues et collines de Valparaiso, me paume un peu et reviens une heure-vingt
plus tard et +300m juste à l'heure limite du petit dèj'.
Nous quittons définitivement l'hôtel un peu avant midi pour d'autres lieux. J'ai envie de voir
d'autres horizons, la ville, ça suffit. Nous filons vers le port où des rabatteurs attirent les touristes
pour une balade bidon en bateau sans intérêt de trente minutes. Une envie pressante me fait rentrer
précipitamment dans un café à même le quai, Le Damtorello. Comme par hasard la patronne parle
le français, elle s'appelle Isabella. Divorcée d'un français, elle a vécu plusieurs années en France. De
cette union elle a une fille de 22 ans qui est restée en France, elle fait des études à Paris. Nous
sympathisons rapidement et elle nous invite vendredi soir, la veille de notre départ du Chili, chez
elle à Viña del Mar. En attendant nous lui demandons conseil pour la suite de notre séjour dans ce
pays en lui disant qu'on veut quitter cette ville. Elle nous recommande un centre de vacances à la
campagne à une cinquantaine de kilomètres d'ici: Olmué. Son amie Gloria y travaille comme
caissière. Nous nous y rendons illico presto en car. Après trois changements de car nous arrivons à
Olmué à 17H. La ville, plutôt le village, culminant à 200m se situe auprès de montagnes avoisinant
les 2000m, les contreforts de la Cordillère des Andes. Le nom du centre Aire Puro nous indique que
l'air est réputé pur, aussi de nombreux citadins s'y rendent régulièrement. On y trouve de nombreux
centres identiques ainsi que de nombreuses résidences secondaires.
Comme par hasard encore l'agent d'accueil parle français, c'est un jeune suisse expatrié qui
travaille ici. Nous sommes présentés à Gloria, elle est charmante.
Nous traînons un peu dans la bourgade et après avoir mangé dans un restaurant tout proche nous
nous couchons vers minuit, heure raisonnable, nous récupérons ainsi peu à peu de notre aventure
argentine.
Jeudi 25 février
Lever 9H, petit déjeuner. Nous sommes à l'entrée d'un parc de campagne avec un sommet de
1890m, le Cerro de la Campana, nous décidons de « se le faire ». Nous partons à 10H30, le temps
est couvert. L'entrée du Parc est payante, 1500 pesos, soit à peine 2€. Mon altimètre indique +400m,
la pente est douce jusqu'à 1200m où se situe une ancienne mine. Nous croisons deux renards
aucunement farouches, ils se laissent photographier. Voyant tout près un petit récipient en plastique,
je soupçonne qu'ils soient nourris par l'homme.
Nous continuons notre marche et la pente devient plus difficile. Sur notre chemin, à même la
paroi, nous découvrons une plaque en l'honneur de Darwin qui a foulé ces contrées dans un autre
siècle. Je croise un scorpion noir au milieu du sentier. Le ciel qui s'était dégagé en cours de balade
se couvre à nouveau en vue du sommet au final abrupt. Décidément on n'a pas de chance avec les
sommets, après l'Aconcagua c'est l'équivalent du Puy de Sancy qui nous joue des tours. Par contre,
surprise à l'arrivée, on se croirait à La Roche Ecrite à La Réunion. Les nombreux cailloux énormes
qui jalonnent le sommet sont badigeonnés de peinture: différentes écritures faites généralement de
noms et de dates. Nous n'avons pas besoin de carbone 14 pour dater l'époque de cette oeuvre, ce ne
sont pas les australopithèques qui ont fait ça! Nous y trouvons même un livre d'or où je ne manque
pas d'y ajouter quelques lignes. Il est 13H30, nous en profitons pour nous restaurer et nous détendre.
Malgré l'altitude et la brume il ne fait pas froid. Nous nous trouvons à une dizaine tout au plus en
haut, il a moins de succès que l'Aconcagua.
Quarante-cinq minutes plus tard nous redescendons en courant dès que c'est possible. Il nous a
fallu deux heures quinze pour monter, nous mettrons une heure de moins pour le retour.
Dans les toilettes à la sortie du Parc, après les renards et le scorpion dans la montée, une grosse
mygale se déplace tranquillement sans s'occuper de moi. On va de surprise en surprise!
Le soir nous dînons au restaurant du centre et prenons une partie de plaisir avec les serveuses sans
comprendre la langue mais le sourire est universel. Pour la première fois depuis notre arrivée en
Amérique, hormis notre expédition dans l'Aconcagua, nous nous barricadons dans notre chambre de
bonne heure, il n'est que 20H45. Après le brossage des dents je me plonge dans le Royaume des
Dieux. Je ferme mon livre et les yeux à 22H pour plonger dans un autre royaume,celui de Morphée
ou plutôt ses bras!
Vendredi 26 février
Lever 9H, petit déjeuner, hier j'ai réussi à avoir mon lait au chocolat mais ce matin impossible de
trouver du chocolat en poudre, ce n'est pas très courant dans ce pays, tant pis on s'adapte, ce sera
café.
Vers 11H nous prenons le bus pour Limache pas très loin et de là le métro pour Valparaison soit
cinquante kilomètres dans une rame genre Rennes,Lille ou Orly Val avec une bonne dizaine de
stations. Cette ligne a été construite par les Français il y a quelques années. Pourquoi Valparaiso,
Rennes deviendra-t-il Valrennes?!
Nous traînassons en ville et passons une heure trente sur internet. Romuald m'a demandé un
compte-rendu de mon expédition, je lui en fait un très condensé. J'espère qu'il consultera ses mails
avant de partir, je viens d'apprendre qu'il prend l'avion comme nous le 1er mars avec Linda en
direction de Bogota. Ils vont chercher Victor, le bébé qu'ils ont adopté. Nous nous croiserons donc
sur l'Atlantique. Quelle drôle de coïncidence!
Nous nous rendons en bus à Viña del Mar et prenons notre billet pour Mendoza. Le départ est
prévu à 08H15 demain.
En fin d'après-midi nous appelons Isabella qui nous donne rendez-vous à 19H30 à Plaza Viña.
À l'heure prévue nous nous retrouvons, nous discutons un peu et elle nous propose de dormir chez
elle la nuit. Si gentiment invités, on ne peut refuser. Nous déposons nos sacs, elle habite sur la place
en fait, au neuvième étage sur dix d'un immeuble assez cossu avec gardien de jour comme de nuit.
Elle possède un petit appartement coquet de deux pièces avec de grands baies vitrées donnant sur la
magnifique Plaza Viña. Nous ne manquons pas de lui dire et que la vue est superbe de chez elle.
Nous redescendons pour aller manger dans un Bravissimo ( chaîne de restaurants dans le pays
nulle comme chez nous avec salades surtout, glaces, gâteaux et boissons non alcoolisées). Je prends
un gros sandwich avec un pain spécial, poulet, tomates, salade et avocat, finalement pas mauvais
ma foi, suivi d'une coupe de glace pas dégueulasse non plus. Ça ne me fera pas changer d'avis, je
n'aime pas le cadre de tous ces espèces de fast-food. Nous bavardons et éclatons de rire souvent,
elle aime et comme je ne suis pas le dernier, nous ne sommes pas en reste.
Nous rentrons chez elle au neuvième, c'est la relève au niveau du gardien. Après une toilette brève
elle se couche dans sa chambre, moi sur une logeuse et Gilbert sur une couverture épaisse. Avant de
se coucher nous profitons de la vue, Viña del Mar by night, tout aussi admirable que de jour.
D'habiter en hauteur a quelques avantages. Tout est calme sinon le bruit des voitures qui circulent
sur la place neuf étages plus bas. Le double vitrage n'aurait pas été un luxe. De plus il n'y a ni
rideaux ni volets, avec les lumières de la ville il fait jour dans la pièce. Je décide de mettre des
bouchons et un masque pour bien dormir. Il est minuit passé, nous réglons le réveil à 7H pour
prendre notre bus de 08H15. Je m'endors rapidement et sereinement.
Samedi 27 février
Couché sur une logeuse elle-même sur un plancher lisse, les yeux bandés, les oreilles bouchées, je
me sens soudain flotter, inconscient, je crois rêver. Je n'entends rien. J'ai du mal à sortir du néant
tout en prenant conscience que ça semble bouger réellement. Une voix lointaine me sort de ma
léthargie, c'est Gilbert qui m'appelle et me secoue. Il a été obligé de se lever pour m'avertir du
danger ne l'entendant pas crier. J'ôte mon masque, c'est bien un tremblement de terre comme je le
pressentais à demi-réveillé, il fait nuit. Je me lève rapidement mais m'allonge aussitôt sur le parquet
tellement on ne peut tenir debout. L'immeuble bouge dans tous les sens. Isabella est sortie de sa
chambre, elle nous a rejoint. J'enlève un bouchon d'une oreille mais le bruit est infernal, je le remets
de suite pour m'éviter cette cacophonie de choses qui tombent et du craquement des murs. Je glisse
sur le plancher vitrifié et me brûle les genoux. De nombreuses pensées m'assaillent, la première
évidemment est que l'immeuble va s'écrouler, pour moi ca semble inévitable, les secousses sont
d'une telle intensité que je doute de la résistance des matériaux. Est-ce une construction antisismique?
Je ne suis pas venu au Chili pour crever ici. Je pense à mes enfants, à ma famille. Je suis
déjà dans un autre monde. Comme par hasard, presque un mois que nous sommes en Amérique du
Sud, la seule fois qu'on dort à l'étage, de plus au neuvième, il faut que la terre tremble. Merde!
Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter cela? Et ça bouge toujours, le temps s'est arrêté, il paraît
suspendu. La chance est-elle de notre côté ou suis-je comme tout le monde, je vais crever là comme
un rat pris au piège, mourir écrasé et aplati comme une galette entre deux blocs de béton, je suis en
état de choc.
Ça ne bouge plus, on dirait, une accalmie avant le coup de grâce ou la délivrance. J'enlève mes
bouchons, on discute, tout le monde a eu peur évidemment, moi, la peur de ma vie, je pense.
Isabella est sereine, je pense qu'elle a l'habitude. Nous sautons dans nos fringues, rassemblons nos
affaires dans nos sacs, cherchons notre lampe frontale, il n'y a plus d'électricité forcément, je
redoute une fuite de gaz, je pense au feu, on n'est pas encore sorti de l'auberge me dis-je. Un
désordre indescriptible règne dans l'appartement. Tout est tombé par terre, les vases de fleurs sont
renversés, de l'eau partout, la télé, la chaîne hifi, l'ordinateur... les murs sont lézardés. Par contre les
baies vitrés ont tenu le coup!
Nous descendons les neuf étages par l'escalier et y rencontrons les voisins d'Isabella, nous
atteignons l'entrée et arrivons dehors enfin. Nous allons au milieu de la place plantée de palmiers et
autres essences. Ouf! Sauvés. On retrouve tout le monde dans la rue. Et là cacophonie d'alarmes, de
sirènes hurlantes des pompiers, police et autres ambulances. Plus de lumière nulle part, nous
sommes dans le noir. Nous restons là à discuter en nous disant que nous avons eu de la chance. Une
nouvelle secousse de quelques secondes nous rappelle à l'ordre. Déjà une heure que nous sommes
dehors, il commence à faire froid, nous décidons de rentrer dans l'entrée de l'immeuble où nous
retrouvons un quinzaine de personnes avec le gardien. Il nous montre une pendule aux aiguilles
arrêtées qui est tombée lors de la secousse, elle indique 3H34. Il nous informe que le séisme a duré
environ deux minutes, pour moi ça restera les deux minutes les plus longues de ma vie, elles m'ont
semblé durer une éternité. Nous tombons sur un couple qui parle français, la femme a vécu quelques
années en France. Elle nous apprend que le dernier gros séisme date de 1985. Quelques petites
secousses encore et je me jette sur mon sac pour sortir, l'instinct de survie, puis plus rien. La porte
d'entrée ne se fermant plus suite à une déformation visible de l'encadrement, la température se
rafraîchit dans le hall. Isabella a froid, elle veut remonter dans son appart', il est environ 6H. Elle
nous demande de l'accompagner, merci beaucoup, je ne crois ni au Diable ni à Dieu mais je ne veux
pas tenter le premier nommé. C'est une chance inouïe que nous soyons encore en vie, je pense. C'est
comme si j'avais croisé un requin dans la mer en me baignant et regagné le rivage indemne, on me
redemanderait d'y retourner aussitôt! A votre avis?... Gilbert décide de l'accompagner finalement,
inconscient ou fou, en tout cas sympa pour elle.
Il redescend au bout d'un quart d'heure. Ils ont commencé à ranger le plus gros mais le sol est
mouillé, l'eau ruisselle du plafond. Un deuxième gardien qui venait d'arriver est sur les lieux, il est
au courant. Gilbert me dit qu'Isabelle va se coucher, je n'ose l'imaginer, elle a le moral et semble
fataliste. Pourtant elle n'avait jamais vécu pareille expérience puisqu'en 1985 elle était en France.
Oui, encore une expérience à mettre à mon actif mais celle-ci je ne l'ai pas cherchée.
Nous restons dans le hall d'entrée. Quelques petites secousses plus tard qui nous font sursauter à
chaque fois, à 7H nous décidons de rejoindre le terminal des cars tout près d'ici. Il est encore fermé.
Les gens se sont rassemblés devant l'entrée.
Sur notre chemin quelques dégâts étaient apparents mais sans plus malgré la violence du séisme,
les bâtiments ont bien tenu. Quelques murs lézardés par endroit, des vitres brisées ailleurs et
quelques blocs de bétons par-ci, par-là mais rien de vraiment méchant. Nous n'avons pas encore
d'information sur l'évènement. L'épicentre ne doit pas être ici ou alors de moyenne magnitude,
suffisamment pour faire peur en tout cas.
Nous rejoignons un groupe de jeunes assis autour d'un feu alimenté par des vieilles planches
tombées d'une palissade qui protégeait une tour en construction. Ce bâtiment a tenu comme les
autres mais vont-ils trouver des acheteurs maintenant avec cette piqûre de rappel? Dans ces régions
à haut risque je préfèrerai vivre sur le plancher des vaches quoique à Haïti les victimes habitaient
pour beaucoup dans des maisons, surement peu solides malheureusement. Je m'assois près du foyer
pour me réchauffer un peu. Soudain une secousse brève mais d'une grosse intensité provoque un
vent de panique, la plupart des gens se lèvent. Je reste assis, nous sommes au milieu d'une place,
pas de risque sinon que le sol s'écarte ou s'effondre sous nous. Nous pensons immédiatement à
Isabella que nous avons laissée à son triste sort chez elle au neuvième étage, elle a dû être effrayée.
Mais que faire pour elle? Quelques personnes pleurent autour de nous mais rapidement tout rentre
dans l'ordre. Nous sentons une désolation parmi la population. Je pense que pour la plupart des
jeunes qui se trouvent là, c'est une première pour eux, soit ils n'étaient pas nés en 1985 ou alors trop
jeunes pour se souvenir. Ils sont tristes, nous aussi.
La gare ne s'ouvre toujours pas, il est près de 9H, nous devions partir à 8H15, notre car n'arrive
pas non plus. Nous prenons notre mal en patience. Par intermittence de petites secousses nous font
sursauter. Une foule considérable commence à s'agglutiner autour du terminal. Des reporters et
cameramen font leur travail. Vers midi les portes s'ouvrent enfin, les employés ont passé la matinée
à remettre en ordre tout ce qui était tombé. Mais sur les nombreux guichets des différentes
compagnies de car, seul celui de notre compagnie (Tur Bus) ne l'est pas, forcément, ça aurait été
trop facile! Nous devrions être partis depuis quatre heures et personne n'est là pour nous donner la
moindre information. Durant la matinée quelques cars étaient passés mais aucun de Tur Bus. Vers
13H les premiers qui se présentent ne vont pas pour Mendoza. Notre guichet ouvre enfin mais
aucune information ne filtre sur notre destination. On suppose éventuellement que la route qui mène
à la frontière peut être fermée à cause d'éboulis mais pas de confirmation de la part du personnel.
C'est le bordel. La plupart des cars des différentes compagnies vont en direction de Santiago. On
désespère à cause de notre départ lundi pour Paris, l'avion ne nous attendra pas.
L'après-midi est bien entamé, on décide d'aller à Santiago et de là prendre un avion pour
Mendoza. On a encore la guigne, on apprend que l'aéroport est fermé, certains bâtiments ont
souffert. On décide d'y aller quand-même espérant une ouverture demain. Avec notre billet Tur Bus
nous réussissons à embarquer dans le car d'une autre compagnie, celle-ci prend le billet et se fera
rembourser. Nous filons vers Santiago mais je suis angoissé, si la terre tremble, comment va réagir
le véhicule lancé à pleine vitesse? Je ne suis pas tranquille pendant ce voyage qui dure deux heures,
cent trente kilomètres séparent les deux villes.
Nous arrivons enfin à Santiago dans une immense gare. La plupart des guichets sont ouverts sauf
Tur Bus, la poisse continue, qu'est-ce que c'est que cette compagnie de merde?! On s'aperçoit qu'il y
a des départs pour Mendoza le lendemain mais ils sont tous complets, pas de vaine encore.
Finalement on finit par trouver une petite compagnie (Coitram) qui fait partir un mini-bus à 10H30
contre 1500 pesos chacun. Il ne peut nous donner de reçu et dit qu'il nous reconnaîtra, on discute
mais on s'aperçoit vite qu'on n'a pas le choix, on fait confiance, tant pis.
Il est 18H30, je veux joindre les enfants mais aucun téléphone ne fonctionne dans la ville.
J'aimerais les rassurer, la nouvelle du séisme a surement été diffusée en France.
Nous allons à la recherche d'un hôtel, ils sont tous complets, le quatrième sera le bon. Je demande
à quel étage se trouve la chambre, on me répond au deuxième, j'hésite , bon tant pis, finalement c'est
au premier, c'est mieux.
Maintenant c'est l'heure d'aller en quête d'un restaurant. Non loin de l'hôtel un café-restaurant
populaire nous tend les bras. Il est tenu par un jeune patron sympa. Bien que ce soit en espagnol la
télé en marche nous informe sur la nouvelle du jour. Nous apprenons ainsi que la magnitude du
séisme a été de 8,8 sur l'échelle de Richter avec un épicentre dans la région de Conception à 400 km
de Valparaiso: le cinquième plus fort séisme depuis qu'on en mesure l'énergie. Le plus puissant
enregistré à ce jour l'a été de 9,5 toujours au Chili dans les années cinquante je crois comprendre.
Heureusement pour nous que la région de Valparaiso n'en était pas l'épicentre, je ne pense que vous
pourriez me lire aujourd'hui, on parle de plus de 800 morts surtout dans la région où il y a eu un
tsunami, plus de cinquante victimes ici à Santiago. Nous mangeons malgré tout avec un bon appétit,
en plus c'est bon. La cerveza coule à flots, non j'exagère, modérément.
Nous nous couchons à 22H, j'espère bien dormir parce que la nuit dernière a été plus qu'amputée
(trois heures de sommeil) avec un réveil surréaliste et traumatisant. En plus du 12 février et autres
anniversaires et fête ce mois, on peut y rajouter le 27. C'est un peu anxieux que je m'endors
rapidement non sans avoir eu une petite frayeur avant en me tournant dans mes draps, j'ai cru que ça
recommençait mais c'était le lit qui n'était pas stable! Debout depuis 3H30 du matin le sommeil est
profond.
Dimanche 28 février
Lever 8H: la nuit s'est bien passée. Je file sur l'internet de l'hôtel envoyer un petit message à la
famille. Pendant le petit déjeuner une nouvelle petite secousse nous fait sursauter mais sans
conséquence. Notre serveuse nous rejoint dans la salle, elle est effrayée. Tout rentre dans l'ordre.
C'est l'heure de rejoindre notre mini-bus. Nous montons dans un Mercedes de douze places plus le
chauffeur, il est complet. Nous partons à 10H30 comme prévu, nous avons affaire à un excellent
conducteur, il double facilement malgré les virages et avale sans problème les grands cars et gros
camions qui ne manquent pas sur cette route qui relie le Chili à l'Argentine. Nous atteignons la
frontière à 12H40 et une heure vingt plus tard (formalités douanières accomplies en un temps record
cette fois) nous nous dirigeons vers Mendoza où nous devrions arriver vers 16H30. Le temps est
bien couvert sur le massif de l'Aconcagua, il doit neiger là-haut.
En papotant un peu dans le véhicule on s'aperçoit qu'il y a presque autant de nationalités
représentées que de passagers: deux chiliennes, un suisse de Bâle (oenologue), une famille de quatre
argentins,une espagnole qui va à Mendoza essayer de prendre un avion pour Madrid suite à la
fermeture de celui de Santiago qui n'a pas rouvert, un breton, un réunionnais et le chauffeur. Je parle
un peu avec le suisse et un enfant de la famille qui parle français. La personne assise derrière avec
cette famille ne dit pas un mot. C'est en arrivant, à 16H15 finalement, que je l'interroge en
baragouinant qu'il me répond en français, c'est un belge! Pendant six heures ensemble dans le car,
nous entendant parler en français, il n'a pas bronché!!!... Une histoire belge.
Nous nous rendons chez Daniel après quelques achats (souvenirs) à la gare routière. Il n'est pas là,
nous sommes accueillis par ses parents, sa soeur et des grands neveux. Ils nous questionnent avec
curiosité sur le tremblement de terre vécu au Chili. Nous leur expliquons comme on peut notre
ressenti. Ici aussi la terre a beaucoup tremblé mais à un degré moindre, il n'y a ni victime ni dégât
important. Nous sommes pourtant à plus de mille kilomètres de l'épicentre avec la Cordillère des
Andes entre les deux.
Après un goûter et une bonne douche nous nous reposons un peu en attendant Daniel qui ne
devrait pas tarder, sa maman l'a appelé sur son portable, il sera là vers 19H. À 21H il n'est toujours
pas arrivé, nous allons manger deux grosses pizzas dans une boutique toute proche accompagnées
d'une grande bouteille d'Andes chacun. À 22H30 en rentrant, bien repus, nous croisons Daniel qui
sirote des cervezas avec des copains. Il nous a cherché en vain, les retrouvailles sont chaleureuses et
nous lui narrons notre aventure et mésaventure au Chili en les accompagnant avec des bières locales
bien que j'ai le ventre déjà bien rempli. Je me couche à minuit passé avec un mal de bide qui ne me
quittera pas de la nuit.
Lundi 1er mars
Réveillés à 7H30 par Daniel qui part au travail, il vient nous dire au revoir. C'est bref, il est en
retard. Nous en profitons pour nous lever et allons courir une heure. Je n'ai pas encore digérer les
pizzas et bières ingurgitées la veille, je compte sur ce dernier footing en terre argentine pour
éliminer tous ces excès. Il fait bon s'entraîner à cette heure, le thermomètre indique 20°, après ce
serait plus problématique avec 30°. De retour après le petit déjeuner et une bonne douche nous
faisons nos bagages. Je me demande si tout va rentrer dans les sacs vu que j'ai acheté des vêtements
et autres souvenirs. Mais oui sans problème, aussi je décide d'aller acheter une bière Andès de 75 cl
(dernier souvenir). Je profite de la voiture de Freddy, le père de Daniel qui partait en même temps
que moi, et monte dans sa VW 1500. Nous allons au magasin Atomo où il allait mais ils ne vendent
pas cette marque, que des bières étrangères comme Heineken ou mexicaines. Il va acheter des fruits
à côté, j'en profite pour aller dans un mini-market mais je comprend qu'il faut une bouteille en guise
de consigne. J'essaie de leur faire comprendre que je suis prêt à payer la consigne et j'insiste
lourdement mais rien n'y fait, ils refusent catégoriquement de me la vendre. En rentrant on s'arrête
acheter du pain et de retour je file à la boutique du coin ou on avait consommé la veille avec Daniel
et ses copains. Scénario identique, même incompréhension de ma part. Je poursuis à la pizzéria
toute proche où nous nous étions goinfrés hier soir, refus encore, j'insiste, le patron pointe son nez et
finit par donner le feu vert à sa femme, ouf! Je la voulais cette bouteille pour la ramener en France,
je veux la partager avec mes garçons Jérôme et François et la mettre en bonne place sur une étagère
de leur bar avec les différents modèles des bières Bourbons (appelées communément Dodo à La
Réunion) et autres bouteilles de rhum comme le rhum Charrette. Je laisse 10 pesos au lieu de 5, ça
vaut bien ça, mais je n'ai toujours pas compris le pourquoi du comment!...
Nous déjeunons pour la dernière fois avec les parents de Daniel. Je ne manque pas de faire une
dernière photo de nos hôtes avant de partir et après une grosse bise à la maman de Daniel, Freddy
nous emmène à l'aéroport vers 13H. Après l'enregistrement de nos bagages et des adieux chaleureux
au père de Daniel nous décollons normalement à 15HO5. Adieu Mendoza .
Après une escale à Cordoba nous arrivons comme prévu à Buenos-Aires à 17H45. Vers 20H nous
commençons à faire la queue pour notre enregistrement et nous tombons sur l'Italien rencontré à
Puente del Inca qui rentre à Rome. Quelle coïncidence! Il est assez speed et physiquement il me fait
penser à Benoît Poelvorde!
Presque cinq heures après notre arrivée dans la capitale argentine nous décollons enfin à 22H30
avec un petit quart d'heure de retard. Comme en venant mais nous nous étions arrangés avec les
autres passagers nous sommes placés sur la même rangée 35 du Boeing 747 mais Gilbert au 35A et
moi au 35K soit tous les deux côté hublot mais opposé. Je ne cherche pas à changer de place ni lui
d'ailleurs. Un mois passé ensemble a laissé des traces... Je voyage à côté d'un couple belge, ils
reviennent de chez leur fille qui travaille au Chili. Je leur parle du séisme mais ils ne l'ont pas vécu
étant partis du jeudi vers l'Argentine. Le dîner est servi vers minuit et trente minutes plus tard les
lumières s'éteignent. Nous survolons l'Atlantique, j'ai une grosse pensée pour Romuald et Linda qui
doivent se trouver au dessus du même océan en ce moment à destination de Bogota afin de
récupérer Victor qui bouleversera leur vie en bien. Essayons de dormir maintenant.
Mardi 2 mars
Je dors pratiquement jusqu'à ce qu'ils rallument les lumières à 7H30, heure Argentine, soit 11H30
en France. J'ai bien dormi, j'avais peur que ce soit plus galère. Ils nous servent le petit déjeuner
maintenant, plus qu'une heure trente de vol avant d'arriver à Madrid. Nous atterrissons sans
encombre à l'heure prévue (13H40). Le départ pour Paris est prévu à 17H15, encore plus de trois
heures trente d'attente ici. Gilbert ayant acheté une bouteille de vin à Buenos-Aires, il est obligé de
l'enregistrer en soute ici, une petite galère de plus mais on a le temps.
La dernière liaison aérienne Madrid-Paris passe vite et à 19H05 nous nous posons à Orly, la nuit
tombe. Déjà vingt-quatre heures que nous sommes partis de Mendoza, c'est pas trop tôt. Nous
récupérons tous nos bagages, tous les transferts se sont bien passés et je prends Orly Val pour la
première fois, direction Antony où Marie-Pierre, une amie de Gilbert, nous attend. On passe la
soirée et la nuit chez elle. Son mari est en mission humanitaire en Afrique, au Burundi plus
précisément, pour une semaine. Elle est super cool, nous faisons la connaissance de deux de ses
enfants, Chloé (26 ans), étudiante en anglais, et Julien (17 ans) en première S. Ils sont sympathiques
et s'intéressent à notre aventure, nous leur montrons nos photos, la soirée passe très vite. Marie-
Pierre dit que c'est formidable de partir entre amis pour un périple de ce style, ça consolide les
amitiés...
Il est plus de 1H lorsqu'on se couche, la nuit sera courte, j'ai mon train à 9H05 à Montparnasse, on
met le réveil à 6H45.
Mercredi 3 mars
Quand le réveil sonne à 6H45 c'est très dur, je dormais trop bien, guère plus de cinq heures de
sommeil et en Argentine il n'est pas encore 3H du matin, il va falloir digérer le décalage horaire.
Après une bonne douche qui me remet les idées en place et un petit-déjeuner Marie-Pierre nous
emmène au RER pour la dernière ligne droite vers Rennes où Jérôme m'attendra à la gare.
Je descends à Denfert-Rochereau, salue brièvement Gilbert qui continue vers la gare de Lyon, nos
routes se séparent ici, il se rend en Ardèche rendre visite à sa mère. Pour ma part je monte dans le
métro, direction Porte de Clignancourt pour redescendre à la station de Montparnasse-Bienvenüe
toute proche. La galère recommence avec mes 45 kg de bagages.
À 09H05, le TGV démarre à l'heure précise comme seule la SNCF sait l'être! Direction Rennes
non-stop. Une dernière discussion avec un passager qui a remarqué mon gilet UTMB, il compte le
faire en 2011, j'en parle brièvement et enchaîne sur l'Aconcagua et le séisme au Chili. Il m'informe
que les scientifiques ont calculé que ça a changé l'axe de la terre! On a vraiment eu de la chance que
l'immeuble ait tenu le coup, qu'est-ce qu'on foutait au neuvième étage ce jour-là?!... Je ne suis pas
superstitieux, je ne crois en rien sauf ce que je vois, le destin n'est pas plus tracé qu'écrit pour moi
comme disent certains, mais il y a des hasards dans la vie qui ne m'interpellent pas mais qui font
que la vie est la vie tout simplement.
Le voyage passe vite, déjà Vitré, Jérôme m'appelle à quinze minutes de Rennes, je lui demande de
m'attendre sur le quai pour m'aider pour les sacs. Le temps est frais ce matin comparé à Mendoza
évidemment mais il fait beau, il y a de belles éclaircies, c'est réconfortant. Place à la routine
maintenant. Vive la Bretagne. Bonjour les bretons.
FIN
Récit écrit au jour le jour sur un cahier d'écolier et saisi à mon retour sur ordinateur.
Je veux rendre hommage ici à mes parents, hélas disparus trop tôt de longue maladie selon la
formule employée, qui m'ont donné le goût de l'effort et la volonté de vaincre.
Je leur dédie cette aventure ainsi qu'à mes enfants François, Anabelle et Jérôme pour leur amour, à
leur mère Jacqueline qui est une mère formidable, à mes sept frères et soeurs et autres membres de
la famille qui est très grande sans oublier mes beaux-parents et ma belle-famille, à mes amis
coureurs ou non coureurs, à mes anciens collègues de France Telecom.
Je remercie tout particulièrement Romuald et Linda Garnier pour leur aide logistique, Daniel
Estevez (le guide et militaire argentin) pour ses conseils avisés et son aide sur place, ses parents
Freddy et Vincenta pour nous avoir reçus chez eux tout ce temps, ses frères et sa soeur.
J'ai une forte pensée pour Isabella de Viña del Mar (Chili) avec qui j'aurai vécu un moment
dramatique pendant ce périple. Depuis j'ai relativisé forcément en pensant à la tempête Xynthia qui
s'est produite une journée plus tard. Se réveiller avec de l'eau jusqu'à la ceinture, dur. Nous sommes
une génération qui n'a pas connu la guerre, j'espère vivre sans avoir à me confronter à ce genre
d'épreuve. Je suis pour faire un maximum d'expériences sur cette terre mais pacifiques et sans nuire
à qui que ce soit si ce n'est qu'à moi.
J'espère ne pas vous avoir trop ennuyés, si vous lisez ces dernières lignes il faut croire que non. Et
maintenant place à de nouvelles aventures.
Gérard

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  • Kiki 86
  • FINISHER  : Diagonale des Fous à La Réunion 2002, 2007,1010 et 2012  ou je me classe 1er V3 , 2017, 2021 et 2022 avec ma fille Céline
UTMB : 2008 et 2011 
Marathon des Sables 2010
Objectif : 2023 : Senpereko Trail - Montan'Aspe - Trail des Cathares
Date de naissance : 28/08/1952
  • FINISHER : Diagonale des Fous à La Réunion 2002, 2007,1010 et 2012 ou je me classe 1er V3 , 2017, 2021 et 2022 avec ma fille Céline UTMB : 2008 et 2011 Marathon des Sables 2010 Objectif : 2023 : Senpereko Trail - Montan'Aspe - Trail des Cathares Date de naissance : 28/08/1952

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WIDY GREGO "SPORTIF DE L'HUMANITAIRE"

Mes Entraineurs

Roger PASSARD : Professeur d'Education Physique et Responsable de l'ALERTE GRAYLOISE, qui de cancre en sport m' a propulsé en deux ans "Champion Départemental Minime de Cross" à PORT SUR SAÔNE

Jean-Pierre GORGEON : Co-équipier et Entraineur à l'ASPTT POITIERS m'a permis de réaliser :

  • 15'48"70 sur 5000m, le 14/06/1997 lors des Championnats Régionaux à NIORT (45ème Perf Nationale V1et 5ème M45)
  • 33'42"60 sur 10 000m le 31/05/1998 lors des Championnats de France Vétérans sur Piste à LYON PARILLY ( 21ème Perf Nationale V1 et 6ème M45)
  • 2h40'46" au Marathon le 12/10/1997 lors des Championnats de France de Marathon à REIMS (95èm Perf Nationale V1 et 31ème M45)

Jean-Claude FARINEAU : avec qui j'ai partagé depuis 1984, les charges, parfois lourdes de Dirigeant à l'ASPTT POITIERS, puis au PEC à partir de 1999. Grâce à ses entrainements judicieux, je n'ai jamais raté une qualification aux Championnats de France de 10 km

Jean-Paul GOMEZ :
Finaliste Olympique du 10 000m à MONTREAL en 1976 : Bien que ne m'ayant jamais entrainé m'a toujours apporté des conseils éclairés, notamment lorsqu'il entrainait  à mes côtés l'école d'Athlétisme de L'ASPTT