A Chamonix,
C'est le départ.
Sur la place colorée,
Des milliers de regards,
Ou les yeux clos, ou l'on se targue
Dans quelques instants, après l'hélico et le vol du Pygargue,
Dans la foule bigarée, nous serons lancés.
Pour moi c'est la grande mare, c'est le grand saut.
Je l'ai rêvé tant de fois ce départ,
Mais là, c'en est trop...
J'entends mon nom et je vois Thierry Pintureau.
Mon cœur explose,
Ma vue se brouille,
C'est l'apothéose
et en même temps quelle trouille !
Nous sommes partis
Pour le grand chemin.
Tant de magie, tant de petites mains,
Tous ces bravos nous font du bien.
Bientôt nous serons haut, nous serons loin...
Au Délevret,
Je crois rêver :
Le soleil nous salut
Il offre ces derniers rayons.
Les montagnes embrasées ont alors revêtues,
Leurs habits de lumières et de feu.
Je suis si émue, j'en prends plein la vue.
Au col du Bonhomme,
Une nuit douce nous enveloppe.
Serpentin lumineux de femmes et d'hommes,
Nous ne sommes plus qu'une guirlande d'électrons.
Dans l'effort silencieux mais à l'unisson,
Les souffles chauds et le cliquetis des bâtons.
Je me retourne, c'est si beau.
J'en redemande, je regarde à nouveau.
Au-dessus, elle nous domine,
Bienveillante, elle illumine,
Car elle est en cet instant magique,
Un spot à son faît des ses possibilités électriques.
La lune ronde et pleine est la reine de tous ces lumens.
Aux Chapieux,
C'est la surprise !
Nez à nez avec un visage familier,
Un grand gaillard fatigué
Debout mais encore à demi endormi,
Cédric les yeux hagards
« Que fais tu là ? ». Ces 4 mots suffisent,
Quelques phrases échangées, une bise,
Nous repartons ensemble,
Affronter avec lui les Pyramides Calcaires,
Je me sens soulagée car je crains un calvaire.
Nous franchissons ce passage périlleux.
Je redoutais ces cailloux blanchis,
C'est sous le regard d'un drone curieux.
Que je descend prudemment jusqu'en Italie.
Cheminant ainsi jusqu'au matin
Vers 11h00, Courmayeur est atteint.
« La course commence ici » m'avait-on dit,
Il faut donc avoir pris soin d'en stocker de l'énergie !
Refaire le plein, dans cette salle immense,
Où s'entassent des corps endoloris
Ce n'est pas simple sans assistance.
Pour moi Jerôme est là, j'ai bien de la chance.
Manger, se laver, se changer, sont des priorités.
Repartir à neuf, comme au départ,
Dans mon esprit, c'est une stratégie,
Je suis de retour vers Chamonix !
Pas le temps de moisir, il faut repartir !
Cédric me presse, « Ici, tu ne dois pas dormir ».
C'est décidé, nous repartons, encore à l'unisson.
Direction Bertone, et là ça cogne...
Grosse ascenscion sous un soleil de plomb.
Il est déjà loin mon compagnon.
Au ravito, je fais le plein d'eau,
Je sens bien que le chemin sera long....
Alain m'avait dit: « Si tu cours Bertone-Bonatti,
Tu en doubleras des éclopés ».
Sur cette portion, j'ai porté ma croix,
Essayant de courir ou de faire de grands pas,
La fatigue se fait de plus en plus ressentir,
Ici, la naufragée, c'est moi.
Mes jambes refusent d'avancer, la fatigue m'envahit.
Alors c'est décidé, c'est à flanc de rocher que mon corps s'assoupit.
Dix minutes et c'est reparti, me voilà requinquée.
Pourtant, à petits pas m'approchant d'Arnuva,
Elle monte en moi cette perfide voix :
« C'est ici que tu abandonneras »
J'ai beau lutter, elle me harcèle.
Mon esprit est troublé par le manque de sommeil,
Et je vois déjà J.P. sur ce parking en bas,
Il viendrait me chercher, je me sens tellement las.
Dans ma tête c'est fini, hors délai je suis...
Arnuva : Laminée, je réalise soudain,
Que toutes ces idées noires étaient toutes illusoires !
Je suis dans les temps.
Prendre un peu de repos et puis tout ira bien.
Je m'allonge vingt minutes dans la tente des soins.
Soulagée d'avoir traversé ce mauvais moment.
Axelle, il faut y aller, après une pause bien méritée.
Une soupe avalée, quelques bouts de bananes,
Du sucré, du salé, surtout éviter la panne.
Il est là, il t'attend :
Le Grand col Ferret. J'imagine Cédric déjà là-haut.
C'est une nouvelle course pour lui, il a changé de stratégie.
Où sont les autres ? Dix minutes devant, chemine Pierre Hay,
Déjà reparti pendant que je dormais.
Je m'élance à l'assaut de ce célèbre sommet.
Qu'il est long, qu'il est haut !
Mais bon sang que c'est beau.
Sous un soleil radieux,
Nous sommes à la queue leu leu.
Je tiens le rythme de mes compagnons,
Mais c'est bien en silence que nous nous motivons.
Préserver ses forces, son souffle, il fait si chaud !
Une étape de plus est passée,
Nous voici en Suisse, nouvelle frontière,
Sans barrière, juste un défi qui brûle les cuisses....
Pas envie de traîner là-haut,
Se faire pointer, prendre de l'eau,
Je m'engage dans la descente presque aussitôt.
Les jambes vont bien, pas de bobos,
Je repense à Jacky, « C'est devenu un boulevard ici !
Il va m'entendre Gérard ».
Pour quelques minutes, c'est la bagarre entre les deux lascars!
J'avance bien, j'en double quelques uns.
Enfin une femme à l'horizon !
Je la rejoins, nous discutons.
Pendant quelques mètres, nous échangeons
Des morceaux de vie, que nous oublierons.
C'est aussi une stratégie, la communication,
Alain me l'avait dit, parler peut t'aider aussi à avancer.
A la Fouly, des visages familiers,
Que c'est bon de les retrouver,
Jerôme, Wilfried, Gilles, Sophie, leur fille et JP,
Leur sourires, leurs regards, impossible de les oublier.
Après une telle montée,
Se ressourcer, est une priorité.
Sur mes besoins essentiels,
Je reste concentrée, car c'est la clé.
Je me dis : « Tu vas y arriver »
Garder le rythme, ne pas s'affoler,
Je préfère ne pas m'attarder,
Car c'est à Champex que je dormirais.
A Champex, début de soirée,
Dans cette salle surchauffée,
Je me sens vraiment affamée, épuisée.
Je veux dormir, Jerôme a tout prévu,
Loin, à l'abri de cette foule et du bruit,
C'est dans sa voiture, que j'ai un petit nid.
Trente minutes d'arrêt et c'est reparti.
Je la redoute cette deuxième nuit...
Je m'engage seule dans le noir,
Pour gagner la Giète, j'ai de l'espoir.
Dans cette montée, quelques ombres,
Elles avancent. De plus en plus éparpillés,
Nous ne sommes plus en surnombre.
J'essaie de les rattraper,
Ils s'éloignent, je sais qu'il faut à présent s'associer,
Mais je m'effondre...
Ma vue se brouille, que m'arrive-t-il ?
Je tente de lutter, tout devient flou.
Je sens que je vais m'échouer, tel Crusoë sur son île.
Je vacille, pourtant je ne suis pas saoul,
Du manque de sommeil je suis ivre et ne tiens plus debout.
Je me sens naufragée, au milieu de cette montée.
Contrainte et forcée, je dois m'arrêter.
C'est un besoin impérieux,
Et pourtant je ne veux pas fermer les yeux.
Même pas la force de mettre une sonnerie.
Je me dis c'est que fini, la nuit je la passerai ici...
Dans un laps de temps mystérieux,
Deux voix me tirent de mon somme brumeux.
« Est-ce que ça va ? Me dit l'un d'eux.
« Juste envie de dormir » je réponds d'un ton vaporeux.
« Viens avec nous, ne reste pas là.
La nuit est fraîche et si tu te refroidis, c'est fini.... ».
Cette main tendue, des conseils bienvenus,
Sans eux, sans aucun doute, j'étais perdue.
J 'avale un gel à la caféïne, je mange un peu,
Nous repartons en marchant, je vais mieux.
Cheminant lentement mais régulièrement,
Avec mes nouveaux amis, je suis rassérénée,
Le rythme est régulier, nous faisons connaissance,
C'est Jean-Philippe qui donne la cadence.
Qu'il avance bien le jurassien,
De bonnes jambes et le cœur sur la main.
Avec Anne, nous discutons, ils m'entourent,
Et par chance, Jean-Phi. connaît le parcours.
La descente jusqu'à Trient sans encombres,
Le jour se lève, plus de pénombre.
Nous retrouvons nos accompagnateurs,
Une bonne soupe, de la chaleur,
Un repos à nouveau salvateur.
Nous nous donnons rendez-vous.
A présent, c'est Catogne qui nous attend.
Pour avaler le dénivelé,
Une seule méthode, lever les genoux !
Le rythme est bon et régulier,
Nous nous encourageons, dans cette rude montée.
Vallorcine, les encouragements d'un cran sont montés
Dans notre esprit,c'est presque gagné.
On se le redit : plus qu'une dernière difficulté :
La Tête aux vents, dixième ascension à affronter.
C'est avec un groupe d'amis que nous crapahutons,
Jean-Phi et Anne sont très bien entourés.
Bonnes sensations, nous cheminons en bavardant,
L'humeur est joyeuse malgré un soleil ardent.
Chacun s'attend, cette solidarité me touche.
Qu'il est long ce dernier morceau,
Nous avons tous hâte de retrouver l'arche et la douche.
Après la Flégère, plus de soucis, on gère.
Dans la descente vers Chamonix, l'envie de courir,
J'attends mes amis, même en marchant, nous allons tous finir.
Chamonix, enfin, le bitume retrouvé,
Dans ces rues survoltées ce Final tant de fois fantasmé,
Nous fait monter le cardio au sommet !
Tant de cris, tant de bravos,
Ce sera une arrivée en trio.
J'aperçois l'arche et tous les copains,
Ce scénario inespéré devient soudain une réalité.
Me voilà finisher de mon premier Ultra,
Je ne m'en remet pas, tout le monde est là,
A l'intérieur de moi c'est l'explosion de joie.
Pour finir ce récit d'UTMB,
Tant de personnes que je voudrais remercier :
Toutes celles qui m'ont encouragées,
Tous ceux qui m'ont aidé,
Merci à Kiki pour les plans d'entraînement,
Merci à Alain pour la reco et ses conseils de pro,
Merci à Jerôme pour l'assistance,
Merci à Jacky pour son soutien,
Merci à Cédric de m'avoir fait confiance,
depuis mes premiers pas, depuis ma naissance.
Partager cette épopée avec tous les copains,
restera pour moi le plus beau des souvenirs.
Alors à présent je vous invite à partager mon futur désir,
En 2017, j'espère que ça sera à nouveau la fête,
Car c'est à la Réunion que j'aimerais qu'on se délecte...