Une semaine que nous sommes à Alter Do Chao, ce magnifique village au cœur de l'Amazonie qui offre ses belles plages de sable fin aux touristes lorsque le fleuve Tapajos s'assèche. Un village ou l'on a envie de venir vivre tant les habitants sont accueillants. Pourtant le climat y est rude par sa chaleur et son taux d'humidité. Le thermomètre avoisine les 40 degrés et la peau est humide en permanence.
J-4 : les premiers concurrents commencent à arriver. Des Anglais, des Américains de l'Arizona , un Coréen, des Japonais, des Belges, des Suisses, Irlandais, Suédois, Portugais, Polonais, Russes,Australien ... Et bien sur les Brésiliens qui arrivent des grandes villes .
Nous sommes trois français seulement : Widy, Lucien et moi.
La pression commence à m’envahir. Il se dit que nous allons tous connaître l'enfer alors que je viens de passer une semaine au paradis !
Finalement c'était le bon ordre, car je ne suis pas sûre d'en ressortir vivante !
J-3 : Lucien, notre ami Guadeloupéen est arrivé lui aussi. Nous décidons de faire une petite balade en guise d'entraînement : grimper un petit morne que l’on aperçoit tout près. Pour cela, il faut traverser un bras de fleuve, environ 30 mètres. Un service de barques est organisé. Avec Widy , nous avons déjà fait cette traversée .
Là ce matin, nous y retrouvons Jen ,Amy et le Coréen qui ont eu la même idée que nous mais en plus les filles souhaitent expérimenter leurs sacs à dos chargés et étanches, c’est donc à la nage qu’elles franchissent le fleuve pour atteindre l’autre rive. En condition de course quoi !
Je les vois traverser tranquillement. Leur technique: pousser tranquillement le sac qui flotte devant elles !
Vous connaissez tous Widy ? Il aime les choses simples ! Pour la compétition, il nous a prévu des sacs poubelles en guise de sacs étanches !
Ça paraît simple bien sur, mais pour moi qui ne sait nager qu’en piscine ou dans le lagon de Sainte Anne en Guadeloupe, ça ne va pas être une mince à affaire ! La pression commence sérieusement à monter mais je me tais. ...
j-2- 18h, il fait déjà nuit, le petit square d'Alter Do Choa est très animé. Nous allons prendre le bateau qui nous conduira sur le point de départ de la course : Ituapama, un petit village perdu au fond de l’Amazonie. C’est un bateau à trois niveaux semblable à tous ceux que nous avons vu depuis notre arrivée à Santarem ou à Alter Do Chao. Ce sont les principaux moyens de locomotion que les Indiens ont pour se déplacer ou pour transporter les denrées alimentaires, l’eau Etc…
Tous les concurrents sont là et nous attendons tous les informations. Des voitures viennent nous chercher avec nos bagages (valises, sacs à dos) par petits groupes et nous débarquent un peu plus loin sur la jetée. Là, nous sommes carrément dans le noir et chacun doit se débrouiller ! Un petit pont en bois, une barricade à enjamber, 50 mètres de plage ... et embarquer.
Nous, nous installons nos hamacs au niveau deux pour une traversée qui durera une dizaine d’heures.
Je m'allonge dans mon lit de fortune et curieusement je m'endors malgré l'agitation qui règne sur le bateau. Surtout les Brésiliens qui sont très bruyants ! Le départ du bateau est prévu pour 2h du matin. C'est à ce moment là que je me réveille car mon hamac se met à se balancer sérieusement, allant même cogner un poteau tout près ! Je me dis alors que si toute la traversée est ainsi, cela va être terrible ! Mais non, tout rentre dans l'ordre quand le bateau prend sa vitesse de croisière et je me rendors comme un bébé bercée par le ronronnement du moteur!
Le soleil se lève, c'est magnifique ! Nous sommes sur le fleuve Tapajos, une mer d'eau douce ! Je n'avais jamais imaginé une telle immensité ! Ce fleuve qui après les crues s'assèche dégageant une multitude de bras de fleuves et de plages de sable blanc. Vers 9h, tout le monde est déjà debout, le capitaine du bateau se dirige vers une belle plage et nous débarque là pour une petite escale d'une heure afin que nous puissions profiter de cette belle eau en guise de baignoire.
En début d'après midi, le voyage prend fin et nous débarquons sur une autre plage sur laquelle Shirley, l'organisatrice, est là pour nous accueillir. Nous acheminons nos bagages, environ 300/400 mètres plus loin.
Là une habitation, comme sortie de nulle part au bord de la
forêt ! Une maison en briques recouverte de tôles et tout autour quelques payottes.
Pas de route, ni chemin, seul l’accès par le fleuve est possible. Un groupe électrogène leur fournit l’électricité.
C'est là que Julio et sa famille vivent en autarcie.
Pas de meubles. Des hamacs pour dormir, un coin cuisine rudimentaire mais la joie de vivre règne là ! Des gens accueillants et souriants .
Julio a aménagé un coin avec des poteaux. C'est là que nous allons installer nos hamacs, tous serrés les uns contre les autres pour deux nuits avant le départ fatidique.
Je remarque que tous ont apporté des toiles imperméables qu'ils tendent au dessus de leur hamac en prévision d'une éventuelle pluie. Lucien nous dit que ça faisait parti du matériel obligatoire.
Nous, je vais me répéter mais vous connaissez Widy ! Voyager léger et encore plus lorsqu'il s'agit de compétition! En 2007, lors de sa première participation, il avait plu une seule fois et il y avait une solution de repli. Et puis le règlement était écrit en anglais, nous n’avons pas fait l’effort de le traduire.
- "Ne te tracasse pas Jackye" m'a-t-il dit avant de partir.
Pour les repas d’avant course, la femme de Julio fera cuire, riz, haricots, farine de manioc, poisson, poulet. Et Inutile de vous dire que ce ne sont pas des poulets d'élevage !!!
Les concurrents qui désirent acheter, peuvent le faire moyennant quelques réals (environ 3euros par repas).
S'en suit le contrôle des sacs et la "consultation" avec médecins pour vérification du matériel médical obligatoire, l'électrocardiogramme .... puis la remise des dossards.
Les sacs et valises sont ouverts à terre, et chacun de nous trie son matériel. Et voilà quelques gouttes de pluie commencent à tomber, se transformant rapidement en petite averse ! Tous replient à la hâte leurs affaires et les mettent à l'abri sous les toiles....
Compliqué pour nous qui n'en avons pas ! Heureusement l'averse n'est pas trop méchante et tout rentre dans l'ordre. Le soir, nous nous glissons dans notre hamac et duvet humide. Je crois que c'est la chaleur de notre corps qui aura séché le tout !
Pour nous l'aventure est déjà commencée ! J-1 – C’est la préparation des sacs de course. Surtout penser à tout et ne surtout rien oublier car dans la soirée nos valises seront prises en charge par l'organisation et nous ne les retrouverons qu’à l’issue des six étapes.
C’est aussi la journée briefing. Un peu compliqué, quand on ne parle ni anglais, ni portugais ! Heureusement Haround, le cameraman belge nous traduira l’essentiel. Là nous apprenons que pour la 10 ième édition, l'organisation a changé le parcours qui passe à 275 km et l'a renforcé en difficultés !
À chaque étape, nous aurons plusieurs traversées de fleuves, dont certaines 200 m de long. Cette année, les pluies ayant tardées, l’assèchement a pris du retard donc elles seront plus nombreuses et plus abondantes.
Deux étapes nouvelles dites de montagne ! Aie, aie ! Heureusement à l'issue des quatre premières étapes qui constituent le parcours de 135 km, chacun de nous pourra opter pour l'étape longue ou pas .... Moi, sans rien dire, j'ai dans l'idée que mon choix est déjà fait ! Une étape longue de 140 km , c’est fou
non ?
On nous parle aussi des dangers : arbres à grosses épines, plantes coupantes et bien sûr la faune en passant par les jaguars, les serpents, les piranhas, les anacondas, les mygales sans oublier les fourmis dont certaines ont un venin très
douloureux !! Ils racontent que Shirley , l’organisatrice serait restée douze heures sous morphine suite à une piqure de fourmis .
Trois serpents devaient nous être présentés, mais surprise, en ouvrant la boîte en carton, ils constatent que deux ont déjà pris le large !! Seul un cobra de plus d’un mètre de long va circuler d’épaules en épaules. Enfin pour les plus courageux !
En cas de morsure, on nous donne les consignes à suivre, mais je comprends bien que le mieux, c’est de ne pas se faire mordre.
Ce soir là, je suis contente de me coucher dans mon hamac même humide plutôt qu'au ras du sol !! On nous parle aussi de l'orientation à la boussole au cas où l'on se perdrait. Moi qui ne sais même pas m'en servir ! Un repère, le matin nous marcherons le soleil dans le dos et le soir face au soleil. Aussi toujours se rapprocher du fleuve.
Aujourd’hui ça me fait un peu rire car les trois quarts de la course s’effectuent dans la forêt où l’on aperçoit à peine le soleil ! Mais le balisage était vraiment au top !
Puis c’est un médecin qui prend la parole pour nous parler des problèmes d’ampoules aux pieds. Quasi inévitable de ne pas en avoir puisque nous avons les pieds mouillés voir trempés en permanence. Mieux prévenir que guérir, dit-il !
Il nous donne quelques conseils.
Pour clôturer la réunion, Shirley remercie Julio qui a bien voulu mettre à disposition de l’événement toutes ses ressources humaines et matérielles.
Il prend la parole, en portugais bien sûr. Je ne comprends rien à ce qu’il dit mais dans la vibration de sa voix, dans l’expression de son visage et de ses yeux, je devine toute l’émotion qui l’habite et le plaisir qu’il partage avec sa famille à nous accueillir. Pour eux, habitués à ne voir jamais personne, c’est une fête.
Il est intarissable !
L’après midi, nous faisons connaissance avec les autres concurrents et échangeons avec les enfants des villages voisins qui sont venus en barques avec leurs parents participer à la fête car c’est un véritable événement pour eux et une nouveauté.
Le soir, nous nous couchons de bonne heure et je me persuade que tout ira bien. J'essaie de chasser toute appréhension. J'ai même hâte que nous commencions. Julio, à droite de la photo
1ère Étape de 27km avec un départ à 7h
Dès 5 heures, à la lueur de la lampe frontale, chaque concurrent s'affaire à ranger ses affaires, plier le hamac, le sac de couchage, prendre son petit déjeuner. C'est fini les bonnes crêpes de tapioca faites par l'épouse à Julio !!
Julio a allumé un feu de bois qu’il entretient pour chauffer de l’eau dans un gros chaudron. Chacun vient s’approvisionner pour réhydrater les lyophilisés et aussi constituer sa réserve d'eau froide : 2,5 litre, c’est obligatoire sous peine de
pénalités !
Nous sommes sur la ligne de départ. Petit briefing rapide de Shirley : aujourd'hui 4 CP (check point), un quart d'heure de pose obligatoire à chaque CP.
En quittant le 4ème CP, nous entrons dans une zone dite niche des jaguars ! Elle nous explique qu’en raison de nombreux arbres couchés par le vent, les jaguars se sont installés là et reproduisent.
Elle nous conseille de ne pas nous isoler car le jaguar ne s'attaque jamais à un groupe. Brrrr!
5-4-3-2-1 c'est parti !!
Les 70 concurrents sont sur la ligne de départ.
Pour les médias qui vont filmer la course, nous sommes tous fiers de trottiner, mais rapidement la réalité nous ramène à la raison ! Pour moi, c’est un sac qui pèse au moins 10kg à sec ! D’ailleurs, ce n’est qu’à l’issue de la 6ème étape lorsqu’il ne contiendra plus que le sac de couchage et le duvet, que je parviendrai à l’oublier ! Sinon, il me lacérera les épaules et le dos en permanence ! Pourtant pas de superflu ! Juste un short et un maillot pour passer la nuit au sec, une paire de chaussette, un mini , vraiment minimum de toilette et une mini pharmacie en plus du matériel obligatoire et de la nourriture, hamac et duvet.
Nous sommes à peine sortis du campement que nous avons déjà une traversée d'un petit cours d'eau ! Au rien, 3/4 mètres peut être et 30 cm d'eau claire ! Un tronc d'arbre peut servir de passerelle. Si on a l’équilibre, il permet ainsi de garder au sec ses pieds un peu plus longtemps. Je tente le coup ! J'ai bien tenu 3 secondes en équilibre sur un fil, lors d’une animation quelques jours auparavant sur la place d'Alter do Chao. Pourquoi pas un peu plus sur un tronc d'arbre ! Je me lance ! Mon sac est bien calé sur mon dos, ça a marché !!
À peine je suis passée, j'entends un plouf ! Tout le monde n'a pas eu ma chance ! Le cameraman a déjà fait sa première prise d’images, mais ce n'est qu'un début !
La forêt nous a déjà happés ! Cette forêt dense que nous ne quitterons pratiquement plus. Cette forêt qui me rappelle la forêt de Guadeloupe très humide, mais aussi des zones plus sèches telle la forêt de Givray en beaucoup plus drue ! Elle apporte une moiteur permanente à notre corps. Les quelques rares fois ou nous la quitterons sur les dernières étapes, ce sera pour longer des belles plages de sable fin et les pistes. Et là , la température atteindra plus de 40° !
Une petite montée et une petite descente facile, nous abordons une autre montée qui s’annonce plus raide et là déjà un bouchon, comme s’il se passait quelque chose d'inattendu ! Je ne comprends rien de ce qui se dit car c'est en portugais.
Je vois un coureur couché à terre. Malaise? J’apprends très vite que nous avons dérangé un essaim d'abeilles et que le coureur en question était allergique.
Le soir, Widy me racontera avoir été piqué 4 ou 5 fois. Normal, passant le premier, c'est lui qui a dérangé les abeilles ! Mais, il a la peau dure, je crois que le venin n'a même pas atteint le derme !
Montées, descentes, montées, descentes, peu de répit ! Bien sûr ce n'est pas de la haute montagne, les montées sont courtes mais raides même !
Pour moi qui n’utilise pas de bâtons, je dois m'accrocher aux arbres qui sont nombreux, sinon je gravis à quatre pattes. Et attention aux arbres, comme on nous avait prévenus, il y a une espèce qu'il vaut mieux éviter ! Des épines dures de 2 à 4 cm. Une fois, par inadvertance, je me suis fais avoir. Heureusement mes gants ont atténué la casse mais j’ai encore quelques marques!
Les rares parties plates de sentiers, j'essaie de trottiner mais elles sont parsemées d'obstacles ! Et ce sac à dos qui m’encombre toujours !
Des troncs d'arbres couchés là parfois depuis de nombreuses années. Des petits troncs, des troncs énormes, quelques fois un amoncellement de troncs ! Contourner l'obstacle ? La forêt est dense et avec tous les dangers annoncés, ah non, ne même pas y penser !
Il arrive qu'il soit plus simple de passer dessous à quatre pattes ! Avec mes courtes jambes et mon gros sac à dos, vraiment des fois c'est compliqué pour moi !
Pour les descentes, bien sûr elles sont à l'identique, semblables à des toboggans et comme dans les montées, je cherche les arbrisseaux ou les lianes auxquelles je peux m’accrocher pour freiner.
Les premiers kms, je suis un petit groupe de concurrents. J'entends encore des échanges devant moi comme si il se passait quelque chose d'anormal ! J'essaie de questionner celui qui me précède. Il me répond quelque chose comme "baracado" !
Je ne comprends pas de quoi il s'agit et j'image que peut être ils ont vu un serpent ! Comme l'homme voit que je n'ai rien compris, il me montre. Un trou dans le sol ! Je rigole rassurée !
Petit à petit le groupe se désagrège car chacun avance à son rythme. Je suis donc rapidement toute seule mais je prends confiance en moi. Après 2 heures de marche environ, j'atteins le 1 er CP.
Je respecte la pose obligatoire et je repars avec un japonais. Je me souviens encore du démarrage difficile : un talus abrupt à escalader ! Je n’y arrive pas, le poids du sac me renvoie en arrière ! Il doit me pousser en soutenant le sac ! Nous rions ensemble. Au 2ème CP, j'arrive encore seule. Alors que je refais les réserves d'eau et mon plein d'énergie en mangeant un peu, j'aperçois ce qui m'attend 50 m plus loin : ma 1 ère traversée de rivière !!!
Je sors mon grand sac poubelle et un jeune brésilien qui fait parti de l'organisation m'aide à y glisser mon sac à dos sans que le sac poubelle ne se déchire, et le fermer avec une longue ficelle. Il fait au moins 4 / 5 nœuds pour tenir le sac bien serré. J'ai envie de lui dire de faire moins car je sais qu'après la traversée ce sera difficile à défaire mais c'est important que mes affaires ne se mouillent pas.
Maintenant, je dois porter mon sac jusqu'au bord de la rivière. Je le prends à bras le corps. Je n’ai pas de prise pour bien le tenir !
Pff, compliqué ! Mais je revois dans ma tête tous ces clichés d'hommes à Santarem qui chargent les bateaux ! Des centaines de kg sur les épaules ou la tête ! Je ne vais pas me plaindre avec mes 10 malheureux kg !
J'arrive au bord de la rivière à traverser : maxi 15 mètres. Ce n'est pas beaucoup, je questionne à l'aide de gestes le brésilien qui surveille et je comprends à sa réponse que j'ai pied. Il me fait voir la corde tendue et je comprends que je dois me débrouiller. La ficelle du sac entoure mon corps. C'est parti ! J'avance pas à pas, je m'accroche à la corde, mon sac flotte derrière moi et me suit, tel un petit chien que je promène en laisse. J'essaie de sourire devant cette situation. Arrivée au milieu, je me souviens que l'eau est à hauteur de ma poitrine. Je me tiens bien fermement à la corde et j’avance. Même pas le temps d'imaginer que je ne suis pas toute seule dans l'eau ! Pourtant, ce sont la souvent que les anacondas viennent dormir ! Le mieux, c'est de ne pas y penser !
Ça y est, je suis passée. Ouf !
Comme je l'avais imaginé, les nœuds sont bien serrés et la ficelle enchevêtrée. Je prends le temps de ranger tout ça et c'est reparti.
Toujours la même chose : un petit sentier étroit jonché de feuilles mortes, des montées , des descentes, des troncs d'arbres à escalader , le tout bordé d'une végétation intense, des lianes qui s'entrelacent.
Je suis seule sans l'être vraiment, je ne les vois pas mais leurs cris m'accompagnent : Les oiseaux de la jungle et les petits singes sont bien là !
Quelques fois, c'est comme si ils m'encourageaient et me disaient :
- "Allez Jackye, fais ton chemin, la route est encore longue! ".
C'est ce que je fais. Montées, descentes ..... Ça manque un peu de variété !
Au CP3, pour le quitter c’est encore une traversée d’eau, mais là, ça me paraît plus costaud. Je dois me débrouiller toute seule pour en saucissonner mon sac dans la poche poubelle, fermer le tout, et m'approcher du bord.
Deux hommes sont là sur le bord pour surveiller les opérations. À mes interrogations toujours par gestes, je comprends que je n'ai pas pied et pourtant je dois y aller ! C'est parti pour une quinzaine de mètres. Rapidement mes pieds ne touchent pas le fond. Pas de panique, je suis cramponnée à la corde et j'avance par la force des bras. Je sens la ficelle qui tire le sac et je me dis pourvu que j’aie bien attaché le tout, n'osant même pas me retourner !
J'arrive au bout et là, un gros talus abrupt pour atteindre la terre ferme, une super belle plage de sable blanc. Et ce sac, à extirper de l'eau ! Comment vais-je faire ?
Je panique un peu, toujours cramponnée à la corde, je me retourne et tout à coup, je vois qu'un des deux hommes m'a accompagnée sur toute la traversée.
Il me tend le sac et m'aide à le hisser. Nous constatons que la poche est percée, je m’en débarrasse.
Je le congratule de "obrigado" . (Merci)
Je longe la plage sur un petit kilomètre, en plein "cagna", mais heureusement les balises me ramènent vers la forêt. Là, pas de marquage indiquant le nombre de km parcourus. Avancer, c'est ce qui compte.
Peu avant l'arrivée au CP4 je me souviens de cette longue descente tellement pentue que sur une vingtaine de mètres, une corde a été installée pour que l'on puisse se ralentir. Mais pire encore, un peu loin, c'est carrément une descente en rappel !
Un brésilien est là et me fait voir la technique.
Le choix je ne l'ai pas, il faut y aller et finalement je me débrouille bien! Seulement sur les deux derniers mètres, c'est vraiment le vide. Aucune accroche pour les pieds et je ne sais toujours pas comment j'ai atterri ! Je crois, un pompier chargé de la sécurité m'a récupérée au vol !
Le CP 4 se trouve sur une petite crique au bord du fleuve. Je me rappelle qu'au briefing, ils avaient indiqué que la niche aux jaguars se trouvait juste après dans les cinq premiers kilomètres avant la ligne d’arrivée et qu'après 15 h, les bénévoles seraient chargés de bloquer les coureurs. Les pompiers « serre file » les accompagneraient.
Il est 14h, j'ai de la marge. Je prends mon quart d’heure de pose et j'en profite pour me restaurer avec un peu de taboulé. Je me rafraîchis un peu dans le fleuve. Les quinze minutes sont écoulées, je pourrais repartir mais je suis seule. Les bénévoles me laissent le choix, me laissant imaginer que peut être, le danger n’est pas si terrible que ça !
Entre temps, un coureur suédois est arrivé. Il doit respecter aussi sa pause. Je suis sage et je décide donc de l'attendre pour repartir, ce sera plus rassurant même si l'homme n'est pas très costaud. On dirait même qu'il est malade ! Les jaguars s'attaquant au plus faible, j'ai donc une chance d'être épargnée !!
J'en profite pour me faire un petit brossage de dents. Le docteur et Charlotte qui sont là, écarquillent les yeux. Je crois que je suis la première à leur faire le coup !
J'ai une grosse pensée pour Brice de l’EPA. Il est coutumier du fait et j’avais trouvé son idée très bonne. Charlotte immortalise le moment avec une photo.
14h 25, le suédois est prêt, nous décidons de repartir. Dès le départ, c'est une grosse montée. Je suis loin d'être rapide mais là franchement le suédois n'avance pas et doit s'arrêter tous les 10 mètres pour reprendre son souffle. La montée se fait progressivement, une descente et encore, encore montée, descentes…. Un coureur brésilien nous rattrape et fait un petit bout de chemin avec nous mais il finira par nous lâcher car il perd du temps. Vraiment, notre petit suédois ne va pas bien. Il me fait comprendre qu’il a des nausées.
Je me souviens à Alter do Chao, quelqu’un racontait qu'un coureur suédois avait prévu de se nourrir essentiellement d'huiles d'olives et de coco. Une nouvelle technique qui permet d'absorber beaucoup de calories pour une petite quantité, allégeant ainsi la charge.
J'image que c'est lui le coureur en question. Franchement, sa technique, elle n’a pas l’air très efficace, je n'essaierai
pas !!!!
À ma montre, il va être bientôt 17 h. Mon seul objectif, c'est de finir l'étape avant la nuit. Je décide donc, moi aussi, de l'abandonner à son triste destin : être la proie des jaguars !!! Non je plaisante !
Bientôt je commence à voir la lumière à travers les arbres, je pense que je ne suis pas loin du prochain bivouac. Je débouche enfin de la forêt pour atteindre la plage et qui dit plage dit fleuve ! Là, le fleuve est immense. Un bateau à moteur attend avec un homme aux commandes.
La fatigue aidant, je panique intérieurement et je me dis : "Shirley, cette femme est folle, elle ne va me faire traverser
ça !!"
L'homme me fait signe que je dois monter à bord. Ouf ! Il enclenche les manettes et telle une princesse, il m'emmène sur l'autre rive. La première étape est terminée.
C'est là le premier bivouac ! Comme la fois dernière, une plage, quelques maisons en paille et la forêt qui cerne le tout. Là aussi, des poteaux ont été installés par les indiens, pour accueillir nos hamacs.
Widy et Lucien sont là pour la photo d'arrivée.
Widy me racontera, avoir interrogé Lucien : " tu crois que Jackye va arriver à franchir tous ces obstacles ? " .
Il était un peu inquiet pour moi quand même !
La nuit ne va pas tarder. Widy prend en charge l'installation de mon hamac pendant que je vais au fleuve prendre le bain.
Rinçage des vêtements, des chaussures, chaussettes, inspection des pieds ! Compte tenu de ma mauvaise expérience au marathon des sables, j'en avais tiré des leçons. Tous les points de frottements, je les avais protégés avec des pansements double peau.
Aucun dégât ! Super ! Je laisse les protections en place.
Un short et un maillot sec sur le corps, il ne me reste plus qu'à me restaurer. Les indiens du village entretiennent un feu de bois qui chauffe l'eau pour la-ré hydratation des repas.
La nuit est maintenant bien présente, nous nous rendons compte que le ciel est devenu très chargé, quelques éclairs apparaissent même tout près.
À peine, ai- je fini de manger que les premières gouttes commencent à tomber.
Ça y est, l'orage est sur nous. Comment protéger nos couchages ?? Avec un malheureux poncho non réutilisable jeté à la hâte dans mon sac à dos, Widy improvise une bâche !
Mais la pluie s’intensifie, le tonnerre gronde. Mes uniques vêtements secs sont désormais trempés, et je commence à grelotter. Heureusement, la pluie cesse rapidement, laissant le hamac et le duvet dans un état d'humidité avancé.
Plus rien de sec à me mettre sur le dos; j’ai froid et la fatigue aidant, mon moral est au plus bas.
J’ai du mal à m'imaginer repartir le lendemain : devoir enfiler vêtements de course et chaussures trempées pour attaquer la deuxième étape qui nous a été annoncée comme étant la plus difficile.
J’aperçois Shirley qui vient de terminer le briefing. Je m’avance vers elle et lui fais part de mon état d’âme. Je lui dis même que j’ai envie d’abandonner ! Gentiment elle me rassure, me disant que ce serait dommage car passé les deux premières étapes, les autres sont plus faciles.
- " Fais ta nuit, et demain tu décideras quand tu seras reposée me dit-elle. Tu es bonne, tu peux le faire ".
Elle m'assure aussi qu’il n’y aura qu'une traversée d’eau et que j’aurai pied car l’eau, c’est vraiment ma hantise. Franchement Shirley est adorable mais je crois qu’elle n’a pas fait les parcours !!!!
Je m’engouffre dans mon duvet, la mort dans l’âme et j’attends que le sommeil me gagne. Il se fait un peu tarder. Plusieurs fois, j’entends des applaudissements. Ce sont les coureurs retardataires qui arrivent. Les derniers arrivèrent vers 22 heures. Je me suis dit que je n’étais pas la plus à plaindre, ni la plus mauvaise ! Et c’est ainsi que je me suis endormie bercée par le chant des animaux de la forêt.
2ème Étape de 28km avec un départ à 7h
Même rituel : Réveil dans le noir, préparation du sac, petit déjeuner et briefing avant le départ !
C’est l’agitation autour de moi qui me fait ouvrir l’œil. J’ai bien dormi et j’en suis toute étonnée. Pendant mon sommeil, les batteries se sont rechargées. Vraiment le corps est surprenant.
Je me mets debout et je m’active pour être bien à l’heure. Normal, mes chaussures et mes vêtements de course (legging et maillot EPA) sont trempés !
Je garde donc pour le dernier moment la contrainte de les enfiler. J’ai une bonne paire de chaussettes neuves et sèches dans mon sac, ce sera mon seul petit plaisir de départ !
Ca y est, le départ est donné. Quelques foulées sur la plage et la forêt nous engouffre déjà dans une montée.
Des montées abruptes, et des descentes qui font bien mal aux orteils. Souvent je descends en crabe pour les soulager. Notre ami Lucien, a lui aussi bien mal dans les descentes. A un moment, je me retrouve derrière lui. Il les descend sur les fesses pour économiser ses orteils. Je lui demande en riant s’il fait de la luge. !
A un moment, il y a une petite rivière dont le lit est creusé. Pas très profond mais suffisamment pour bien se mouiller. Un gros arbre est couché en travers et doit nous servir de passerelle sur 6/7 mètres. Un brésilien est là pour superviser les opérations. Il me propose de me soutenir en me prenant la main mais franchement je ne sens pas en mesure de traverser sans tomber même avec son aide. En plus la chute peut faire mal, car l’arbre est bien au dessus du niveau de l’eau. Et je n’ai pas de sac poubelle pour protéger mon sac !
Rapidement je sais que la seule façon pour moi de traverser, c’est de m’asseoir à califourchon sur l’arbre et d’avancer en me soulevant par la force des bras. C’est parti ! Mission réussie !
Comme annoncé, l’étape est très exigeante. Lors d’une longue montée, je rencontre Jen et Amy. Jen est assisse et Amy la ventile. Vraisemblablement, Jen ne va pas très bien. Dans un mauvais anglais, je demande si je peux être utile. Nous nous faisons des signes. Je comprends qu’elles gèrent et que je ne leur servirai à rien, aussi je continue mon chemin.
Le règne animal est toujours présent mais seuls leurs cris me le rappellent. Pour oublier la douleur de l’effort, je laisse vagabonder mon esprit et je pense aux personnes que j’aime. Je pense à ma fille Christèle, à qui j’essaie de transmettre cette force de guerrière qui m’anime. Comme j’aimerai partager ces aventures avec elle. Ces épreuves qui malmènent le corps mais qui le rendent, oh combien plus fort !
Le dépassement de soi ! Pour certaines personnes, ça doit paraitre fou mais moi, ça m’aide à prendre confiance en moi.
C’est déjà le début d’après midi. L’étape est très rude mais aujourd’hui, il semblerait qu’il y ait moins de traversées d’eau. A peine, ai-je fini cette constatation que je croise quelques jeunes brésiliens de l’organisation. Nous nous saluons d’un signe de tête. Quelques centaines de mètres plus loin, stupeur ! Une bonne quinzaine de mètres de rivière. J’entends des voix, sans voir les personnes. J’imagine un point de contrôle de l’autre côté. Personne à qui demander quelle est la hauteur de l’eau. Me rappelant que Shirley m’avait dit que j’aurai pied, j’y crois !
Le sac collé au dos, les mains accrochées à la corde, j’avance pas à pas jusqu’au moment ou je sens bien que le bas du sac est carrément dans l’eau. Un faux pas et je suis déséquilibrée par la lourdeur du sac qui m’emporte en arrière et mes pieds se décollent du sol. Je me retrouve en position comme si je faisais la planche ! C’est bien involontaire ! J’essaie de me remettre debout, arque boutée et crispée sans lâcher la corde, je vais même paniquer en appelant au secours. Mais je pressens que personne ne va m’entendre donc je m’applique à reprendre mes esprits et surtout me remettre en position bien debout. J’y arrive. Je continue ma progression, j’atteins le rivage ! Je suis sauvée !! Je ressors de l’eau. Mon sac ne pèse plus 10 kg mais une tonne ! Il s’est gorgé d’eau. Je pense à mes affaires mal protégées ! Encore une nuit qui s’annonce dans l’humidité ! Ca casse le mental ! Et l’appareil photo ? Je ne donne pas cher de sa peau !
Comme imaginé, quelques centaines de mètres plus loin, c’est le point de contrôle.
J’y retrouve les deux jeunes Belges qui m’avaient doublée. Quel plaisir de pouvoir parler la même langue ! Je leur raconte ma mésaventure. Ils ont bien entendu une voix, mais ils pensaient au contraire que c’était quelqu’un qui prenait plaisir dans l’eau.
Comme quoi, dès fois on pourrait mourir sous l’œil de son voisin qui ne comprend pas ce qui se passe !
Je m’hydrate bien et avant de repartir ; je demande combien de km il y a, avant le prochain CP : 6 km me dit-on.
Et c’est reparti, le parcours, toujours noyé dans cette même végétation étouffante est relativement facile. J’en profite pour trottiner un peu, malgré que les lanières du sac me lacèrent les épaules. Je vais mettre plus de deux heures avant le dernier CP.
Je pense que le kilométrage indiqué n’était pas bon ! A l’arrivée, avec Lucien, nous échangeons sur ce sujet. Il est bien d’accord avec moi pour dire que nous avons fait beaucoup plus !
Ce jour là, une petite pente rapide et nous arrivons dans un village plus imposant. Plusieurs familles vivent là dans des maisons en bois et paille. Pour nous, c’est même l’hôtel avec étoiles ! Nous pouvons installer nos hamacs sur une grande plateforme en bois, face à la mer, qui a un toit en paille. Il peut pleuvoir cette nuit, nous serons à l’ abri ! Et bien non, c’est sous un beau ciel étoilé et une grosse lune toute ronde que nos rêves vont germés …
Même rituel, baignade dans le fleuve, lavage (enfin rinçage !) des vêtements, inspection des pieds … Ce soir là, les premiers désagréments aux pieds apparaissent : quelques ampoules et les ongles des gros orteils sont touchés. Mais j’ai connu pire !
Quelques petites tiques se sont accrochées à mes jambes. Gary, un des médecins de l’équipe va s’occuper avec une pince à épiler à me débarrasser de ces intrus et soignera mes pieds.
Les enfants du village sont là, s’approchent de nous. Nous sommes une curiosité, je crois, à leurs yeux. Ils sont très gentils et ne quémandent pas. Pas grand-chose à leur offrir, juste prendre quelques MMS sur notre réserve de course. Même, un si petit cadeau les rend joyeux.
Comment ils ont l’air heureux, loin de notre civilisation moderne, qui nous happe et nous rend addictes de choses inutiles.
3ème Étape de 38km avec un départ à 6h 30
Le rituel est toujours le même, je vais donc faire court.
Que retenir de particulier de cette étape plus roulante ? Les quelques montées sont plus faciles, et les descentes aussi. Je peux courir un peu même si régulièrement il y a des obstacles : troncs d’arbres à escalader. Quelques traversées de rivières mais la particularité de l’étape, ce sera les marécages et les remontées de cours d’eau sur plusieurs centaines de mètres ! Et de la boue encore et encore !
Les derniers kilomètres se font sur les plages, le fleuve à gauche et des habitations à main droite. Les Indiens m’applaudissent, certains m’offrent de l’eau pour me rafraichir, ce qui me permet de ne pas relâcher mon effort malgré la température qui doit avoisiner les 40 degrés ! Je suis obligée de refroidir le moteur en me mouillant la tête souvent. Ce jour là, les traversées d’eau sont les bienvenues ! Et puis je commence à m’y habituer ! Le matin ; j’avais bien protégé mes affaires dans des petits sacs poubelles à l’intérieur du sac; l’appareil photo est HS, donc plus de craintes de ce côté-là ! Le seul regret, ne pouvoir immortaliser certaines vues, certaines scènes. C’est la première étape ou nous commençons à rencontrer les autochtones.
Pas très loin de l’arrivée, je me souviens d’une traversée ou j’aurai pu passer sur un grand pont en bois très haut perché qui sert aux villageois aux moments des crus. Je vois d’autres concurrents qui l’empruntent mais il manque quelques planches et il parait bancal. Il ne me m’inspire pas. Les femmes du village sont en train de laver le linge à la rivière. Il fait si chaud que la traversée me rafraichit. Au plus profond, l’eau m’arrive à la taille et mouille juste le bas du sac.
Quelques kilomètres encore et c’est l’arrivée de l’étape dans un village ….
Le rêve, les indiens nous ont installé des douches. Installation de fortune entre quatre tôles, mais oh combien rafraichissantes !
Un petit passage chez les docs pour les pieds. Ce sont surtout les ongles des gros orteils qui vont mal.
4ème Étape marathon avec un départ à 6h
Ce matin, je me sens bien sereine. Dès la première étape, je m'étais programmée pour le 135 km je crois ! Rien que de penser que l'étape 5 est annoncée pour 147 km , voir plus, je ne suis pas plus vaillante que ça ! Que les plus fous aillent ! Il y en aura 25 je crois !!! Pour ma part, je me suis débarrassée de la nourriture inutile. Histoire de gagner quelques grammes dans le sac pour cette 4me étape.
5,4,3,2,1 c'est parti !!
Là aussi un rituel, toujours commencer l'étape par une bonne montée. Comme ça tu es tout de suite dans l’ambiance. Cette étape marathon, se découpera en deux parties : une plutôt dénivelée avec deux ou trois grosses montées et passé la rivière, du plat ou presque.
A un moment, avant le 1e r CP, je me sentais bien en forme et je profitais d'un tronçon relativement plat pour courir un peu. Aucun danger en vue, juste un tronc d'arbre à escalader !
A un mètre du tronc, mon pied gauche se prend dans une racine et c'est parti pour une belle chute ! C'est tellement inattendu que j'y vais de bon cœur !! La tête en avant, mon nez s'écrase contre lui !
Là j'entends franchement un craquement! Je me relève un peu sonnée et j'imagine que je viens de me casser le nez. Une vision très fugitive me
traverse : Philippe de l’EPA, que j'ai vu sur Facebook quelques jours auparavant, avec le visage bien écorché suite à une belle chute ! Bienvenu au club !
Je me masse un peu et finalement pas de douleur particulière ! J'ai juste l'impression que la peau est un peu égratignée et un bon hématome. Le craquement, j'imagine que c'est l'arbre qui a émis ce bruit et en fait mon nez était plus solide que lui et surtout moins vieux !
C’est quand même trop bête de tomber à un endroit qui ne présente aucun
danger !
Quelques petites traversées mais c'est surtout celle du milieu de course qui me laisse le plus de souvenirs ! En effet j'arrive au CP, main dans la main avec un petit garçon indien, qui a fait un petit kilomètre avec moi. Oui, le fleuve est bien aussi large que Shirley l'avait annoncé ! Un bon 200 mètres avec un peu de courant. Une corde bien sûr me permettra de m’y accrocher mais malgré tout je ne suis pas rassurée ! Charlotte, une anglaise qui fait partie de l’organisation, qui connaît désormais mes appréhensions de l'eau me fait comprendre qu'elle va m'accompagner. Elle enfile son maillot de bain et m'explique comment attacher mon sac à la corde et c'est parti. J'avance par la force des bras en poussant en même temps mon sac et avec les jambes, je fais les mouvements de la brasse. J'avance bien ! A mi chemin, un pompier est aussi à mes côtés et me parle pour me mettre en confiance. Il me parle de Charles de Gaulle. Je rigole et lui dis " non François Hollande!!».
Quand on ne sait parler que le français, ça limite drôlement les échanges ! Nous rions tous ensemble et c'est ainsi que j'atteins l'autre rive presque décontractée! Alex le photographe est là, il est même impressionné. Plus tard il dira à Widy " your wife is strong! " .
Je vais aborder la partie plate de l’étape, pourtant cette partie je vais la trouver bien longue. En effet mon repas du jour " le taboulé' ne m'inspire pas. Au cours de la traversée, les amandes et le gingembre confit qui devait constituer mes encas ont pris l’eau. C'est quand même eux qui me conduiront péniblement sur la ligne d'arrivée car je n'arrive à avaler rien d’autre. J'arrive peu avant la tombée de la nuit. Ce soir là, à l'arrivée comme à la 2 ième étape, un jus de fruit frais confectionné par les indiens nous est offert. Hum ! Excellent ! Une douche aussi est installée ! Trop bien.
Lucien a opté lui aussi pour les quatre étapes Ensemble, nous allons donc nous restaurer. Les femmes du village ont préparé du riz, haricots, tapioca, poulet, poisson comme les premiers jours à Ituapama. Oh le choix est limité, mais ce sont des aliments sains et ayant mangé quatre jours que des repas lyophilisés, franchement ce n’est que du bonheur. Nous ferons même un petit km à pied pour trouver une bouteille de coca à acheter. Nous le consommons sur place, pour éviter toute ambigüité car Widy est toujours au régime lyophilisé et eau. Toute incartade lui vaudrait une pénalité puisque le règlement l’interdit bien sûr.
5ème Étape longue avec un départ à 4h
L’étape initialement prévue à 147 km (il se disait même 160) a finalement été ramenée à 120 km selon un plan B. Mais même 120, c’est déjà beaucoup et vous pouvez tous comprendre qu’avec des températures à 40° et une hydrométrie de 99% , que mon choix était très sage et raisonnable.
Pourtant au moment où j’écris, j’ai quelques regrets car c’est vraiment à cette étape là que se manifestent toutes les émotions ! Se dépasser, se surpasser, survivre ! Quelle joie de franchir la ligne d’arrivée même si le corps est cassé, malmené.
Sur les quatre étapes que j’ai faites, je suis restée dans les limites de mon corps et je n’ai pas ressenti ce dépassement.
Le choix d’arrêter, était beaucoup motivé par les nombreuses traversées de rivière. Vraiment pour moi, c’était ma « bête noire ». Pas spécialement la peur de l’eau, car les traversées sont bien sécurisées et je m’y étais habituée. Mais n’étant pas équipée de sacs étanches, j’avais peur d’arriver le soir avec mes affaires trempées. C’est mon côté matériel qui ressort !
Le départ se fait à 4 H du matin. Je suis debout pour y assister.
Shirley adore surprendre ! C’est donc dans le noir et par une traversée dans l’eau, que les 25 courageux concurrents commenceront l’étape.
Le groupe qui ne prend pas le départ, est acheminé en bateau sur le village d’arrivée de la longue étape. Là, nous passerons deux jours de rêves sur une belle plage en attendant les premières arrivées. C’est Widy et Régis un brésilien qui arriveront presque main dans la main, vers minuit. Widy avait du temps d’avance pour garder la première place, alors il a bien géré sa course et du coup il est arrivé presque frais comme un gardon !
Pourtant quand il arrive, il me raconte qu’il y a un passage difficile et dangereux même sur plusieurs kms.
- Une rivière encombrée d’arbres couchés à remonter : des arbres au fond de l’eau, au niveau ou au dessus de l’eau. Tu dois toujours te faufiler dessus, dessous, tes jambes s’enfoncent dans l’eau sur un lit de feuilles mortes jusqu’à la taille. Pas question de passer sur les bords, c’est impossible, la végétation est trop dense. Et ne surtout pas penser car on peut imaginer que c'est le refuge de beaucoup de bêtes qu' il vaut mieux voir en photos qu'en réel !
Moi-même j’ai mis plus de 2 heures avant de sortir de là et c’était de jour !
Ah oui ! Tous vont abandonner ! me dit-il.
Pourtant tous franchiront la ligne d’arrivée ! Les derniers, les japonais arriveront après 60 heures de galères, deux heures avant le départ de la dernière étape. Mais tous arrivent, transcendés, avec le sourire même ! Ou des pleurs ! Mais des pleurs de satisfaction, de joie ! Le bonheur d’avoir survécu ! Beaucoup se souviendront du brésilien Elcio qui se met à pleurer, comme un enfant, à gros sanglots.
Avec Lucien et Widy , nous nous interrogeons sur les motivations des participants . Viennent-ils exorciser leur corps ? Ont-ils des choses à se faire pardonner et de ce fait ils s’imposent des tortures pour se punir ??
Non, tout juste se dépasser, sortir de la vie quotidienne qui nous happe et nous fait oublier notre nature humaine.
Vivre une aventure, à grandeur réelle : le Jungle marathon, une course d'extrême !.
6ème Étape : 15 km – départ à 9 heures
Pour le fun, puisque ça ne compte pas dans le classement du 135 km, tous les concurrents, quelques bénévoles de l’équipe médicale, nous prenons le départ.
Pour une fois, je sens à peine le poids de mon sac à dos car il ne contient plus que le hamac, le sac de couchage et la réserve d’eau.
C’est un parcours sur une huitaine de km de piste et le reste de plage, sous une température bien élevée, avec une traversée de fleuve de plus de 200 m identique à celle de la quatrième étape.
Juste quelques petites crampes en plein milieu de la traversée, viendront me perturber sans doute dues au changement de température.
Ce sera la seule étape où je vais pouvoir trottiner tranquillement et non marcher mais qui me prendra quand même plus de deux heures !
Enfin le jungle marathon ne reste qu’une aventure !
Vous pouvez retrouver les aventures de Jackye sur son site :
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